Bienvenue dans ma maison d'édition (Année 3 - Suite et fin)

05 janvier 2016

Je ne sais comment 2015 s’est terminée pour vous. Pour moi, l'idée était de quitter Paris une semaine. Nous avions ri en trouvant une location pas chère au bord de la mer, parce que la dernière fois que nous avions trouvé une location pas chère au bord de la mer, nous nous étions retrouvés dans une yourte au pied de la centrale nucléaire de Paluel. Cela faisait plus d'un an et demi que nous n'avions pas pu nous offrir une semaine de vacances tous les trois. L’enjeu était donc énorme. En arrivant au bord de la mer, nous avons eu la joie de constater que nous avions réussi à louer une charmante petite maison en pierres. Il y a eu ce moment de joie, de détente, où l’on s’est dit : enfin ! Un coin de Paradis. Seulement voilà : nous nous sommes vite rendus compte que ladite jolie petite maison en pierres était située à égale distance entre la centrale nucléaire et le centre de retraitement des déchets éponymes de La Hague, d'où l'origine de notre nouveau slogan familial : "Vacances pas chères, décidément, vacances nucléaires !"

Le lieu fut inhabituellement calme et vraiment de toute beauté, mais s'il n'y avait personne, c'est aussi parce que notre petite maison était plantée au beau milieu d'une zone de chasse où on pouvait lire des panneaux du genre « Attention, zone de tirs, danger de mort ». Que de la vraie vie, en quelque sorte. Enfin, lorsque je parle de vraie vie, je ne parle que de celle des pauvres, parce qu’il m’a toujours semblé que les riches avaient les moyens de partir en vacances ailleurs qu’au milieu d’un champ de tirs. Mais ce ne fut pas tout, pensez. Lors de notre première nuit passée dans notre jolie petite maison en pierres, nous avons eu tout loisir de nous apercevoir que, non seulement le vent y circulait tout aussi bien que dans une yourte (il y avait beaucoup de vent dans le coin. Je crois même que, à partir de 100 kilomètres heure, on peut évoquer une atmosphère de tempête, excepté que, par chance, nous étions encore au printemps), mais aussi que nos lits étaient infestés de puces. Et oui ! Les gentils locataires qui nous avaient précédés ont eu la bonne idée de remporter leur chien en nous laissant ses puces. Il se trouve que les puces ont non seulement très bien survécu en milieu radioactif, mais qu’elles ont trouvé de toute évidence agréable de s’y multiplier. D’où la série de pensées profondes qui m’a habitée toute la semaine sur le fait que l’humanité pourrait aussi bientôt être remplacée par une grande civilisation de puces.

Or donc, en guise de réveillon, nous avons eu droit à un festival. Ce que j’aime, c’est payer pour aller faire le ménage chez les autres. Et en effet, c'est ainsi que la découverte de la baie de La Hague nous aura permis d'expérimenter, en famille, les joies du ménage nucléaire ! Et lorsque nous avons demandé à Gus s’il ne voulait pas dessiner, il ne nous a fait qu’une grosse puce multicolore à six pattes. Avec Gus, nous avons également construit un cirque de puces volantes avec nos draps et nos couvertures. Nous avons ainsi pu répondre à la question : et ça fait quoi, des puces qui décollent dans le sens du vent à plus de 100 kilomètres heure ?

3 décembre, c’est moins drôle. Nous voici enfin rentrés. Déshabillage complet sur le palier pour vérifier que chaque objet entrant dans l’appartement n’est pas le terrain d’un nouveau cirque volant. On y passe encore deux heures et je pense : à tous mes ennemis, et on sait que j'en ai, je ne souhaite que ma vie, mais sans amour et sans humour, parce que ce serait un peu trop fastoche tout de même. A tous mes amis, et on sait que j'en ai aussi, je souhaite ces seules richesses qui vaillent, mais sans ma vie, parce qu'elle est quand même vraiment très fatiguante. Ceci étant dit, si quelqu'un veut me souhaiter sincèrement un peu de prospérité pour 2016, qu'il ne se gêne surtout pas, j'aimerais vraiment connaître. Nonobstant, j'ai tout de même pris la bonne résolution de survivre à 2016, parce que je tiens absolument à expérimenter la décoration du palmier de Noël lors du prochain solstice d'hiver. Je n'en ai pas pris d'autres, parce que, réussir à survivre jusqu'à 48 ans me semble déjà être un pari bien ambitieux pour qui a déjà réussi à atteindre ses 47 ans en traversant tout mon 2015 à moi, cette année où j’aurais décidément tout vu, y compris des pâquerettes fleurir en décembre.

A part ça, il paraîtrait que, selon l’horoscope chinois, nous allons bientôt sortir de l’année de la chèvre en bois, savoir une année où rien n’était possible, pour entrer dans celle du singe de feu, savoir une année où tout est possible. J’apprends, au passage, que « le singe de terre » serait mon signe zodiacal chinois. Et là, c’est mon premier fou rire de l’année. Sur le singe de terre, je lis : « De l'intelligence, il en a à profusion. Sa prodigieuse capacité de simplifier ce qui est complexe et de percevoir les rapports peut faire de lui une personne exceptionnellement perspicace. C'est un cartésien-né. Ajoutez à cela sa santé généralement robuste, et vous pourrez le voir réussir dans n'importe quel métier qu'il choisit. Mais c'est surtout dans le domaine de la recherche qu'il peut connaître les plus grands succès. C'est un excellent chercheur, un conseiller sans égal ou un inspecteur de police singulièrement efficace ». En fait, c’est cela : faute de pouvoir entrer dans la recherche, j’aurais dû poser des dossiers pour entrer dans la police ! Au fond, n’est-ce pas bien normal de ne pas avoir pu entrer dans la recherche en France, puisqu’il n’y avait que des Chinois pour me savoir excellente de façon innée dans le domaine ? Quand je pense que j’ai passé 20 ans de ma vie à arroser vainement l’université et le CNRS de mes CV. C’est mon horoscope chinois que j’aurais dû leur envoyer. Et qu’à cela ne tienne : si cela ne marche pas pour moi dans l’édition, en dépit du fait que je suis censée réussir dans tous les métiers que j’aurais choisis, il me reste encore la possibilité d’émigrer en Chine pour y devenir inspecteur de police.

Je lis encore que, d’une manière générale, le singe est un animal qui sait faire preuve de beaucoup d’humour aussi bien sur lui que sur les autres. Et fort heureusement, car mon horoscope chinois n’a pas peur d’affirmer que : « Encore une fois l’équilibre est votre force et, associé à la chance que vous offrent les astres, vous êtes une bombe atomique ! » Décidément, il a raison cet horoscope chinois : l’équilibre est indéniablement ce qui caractérise aussi bien ma vie depuis 20 ans que ce qui définit le principe de la bombe atomique. Moi, lorsque je fais un effort pour trouver de l’équilibre et de la stabilité, je me retrouve en vacances au milieu d’un champ de tirs infesté de puces sur fond de centrale et de déchets nucléaires avec un vent de 100 kilomètres heure en pleine figure. Au moins comprendra-t-on maintenant pourquoi je ne vais pas pouvoir promettre à mes amis d’être moins chiante que d’habitude en 2016, et pourquoi je ne peux que promettre à mes ennemis de l’être, à leur égard, encore bien plus que d’habitude. La seule chose que je puisse peut-être promettre aujourd’hui plus globalement au reste de l’humanité, c’est d’avoir la gentillesse, en tant que tête chercheuse atomique, d’éviter à l’avenir d’essayer de me stabiliser ne serait-ce qu’une semaine dans la région nucléaire de La Hague. Ceci étant dit, éditrice atomique équilibrée, ce n’est pas un mince programme non plus à mettre en œuvre, et, vue l’année 2015 que j’ai passée, comme ce qu’elle m’aura appris, il n’y a peut-être pas que les puces que je vais me faire un plaisir de voir décoller en 2016. Allez, je me remets au travail, en espérant que travailler puisse finalement me reposer d'avoir pris des vacances…

06 janvier 2016

Les vœux de La Poste

-Bienvenue sur le site de la poste. Formulez votre question :
-Merci de me rembourser la commande de ce jour équivalente à 4 euros 80 pour un envoi de 600 grammes, et de bien vouloir m'informer lorsque l'augmentation de vos tarifs permettra de nouveau à votre système en ligne de savoir générer des fichiers .pdf imprimables de plus de 0 méga.
-De quel produit s'agit-il (si vous le savez) ?
-D'une choucroute !

18 janvier 2016

Dans la série "j'adore lire mes mails"

Le mail est intitulé "reconversion professionnelle" et vise à me présenter un centre de formation pour "techniciens en hypnose". Après l'armée de terre et la surveillance pénitentiaire, c'est le grand écart. J'ai bien noté qu'il ne s'agit pas de me présenter une formation pour "techniciennes en hypnose", sans quoi, je me serais peut-être reconvertie. Chercheuse ? Non ? Jamais ? J'ai déjà fait la formation ? Ah oui c'est vrai, pfff...

19 janvier 2016

Les bonnes nouvelles (suite) :

Nous avions appris avec une joie non dissimulée que le dossier qu'avait monté Alena Lapatniova autour de la venue d'Alhierd Bacharevic aux Recollets avait été retenu. Alhierd est maintenant à Paris et ces deux photos sont tout sauf une blague biélorussienne. Prises par Yulya Tsimafeyeva, elles immortalisent la première séance de travail de traduction du biélorussien vers le français qu'ont menée Alhierd et Alena, aujourd'hui aux Recollets, autour d'un texte d'Alhierd intitulé Les Enfants d'Alindarka (un texte à paraître au Ver à soie, mais il se pourrait qu'il y ait bien d'autres surprises). Voilà : c'est une première. Ce n'est pas le fait qu'un biélorussien biélorussianophone vienne à Paris qui est une première. C'est la manière dont cela se passe, cette fois. On ne voit pas tout sur ces photos. On ne voit pas, par exemple, que la parole doit parfois circuler en trois langues (biélorussien, français, russe). On voit surtout que deux personnes se sont mises au travail, qu'elles ont l'air sacrément heureuses de le faire et d'être ensemble. Vous savez tout ce qu'on peut faire, rien qu'avec ça ? Le "sacrément heureux d'être ensemble ?" Moi je sais. Je lis les réactions sur FB à la publication de ces deux photos et je ris, car des réactions arrivent progressivement en biélorussien de Minsk, de Prague, de Paris. Traduire ce texte (et quel texte !) du biélorussien en français est-il seulement dans l'ordre du possible ? Vous allez voir que toute la Biélorussie va s'y mettre, à cette traduction, pour que cela soit possible !

22 janvier 2016

En fait, c'est ça : nous vivons dans un grand scénario de Commedia, dont l'un des principes est le suivant : un personnage entre sur scène avec un gros problème à résoudre, le colle dans les bras de son petit camarade, et surtout, s'enfuit en courant ! Le petit camarade, qui se retrouve avec le problème sur les bras, le colle dans les bras d'un autre petit camarade, et s'enfuit lui aussi en courant. Et ça dure, le "je te donne mes problèmes à résoudre et, tant qu'à faire, aussi mon métier à faire", et ceci tant qu'un petit camarade, un peu plus idiot que les autres, comme moi par exemple, ne prend pas la décision de résoudre précisément tous les problèmes de ses petits camarades. Pour la première fois ce jour, un transporteur, qui doit me livrer un colis que j'ai commandé à un fournisseur, me dit qu'il ne sait pas quand il transporte, ce pourquoi il faudrait que je me déplace pour chercher mon colis dans son entrepôt. Alors, on vient de jouer à la plaisanterie inverse : remonter toute la chaîne pour dire au fournisseur de trouver un transporteur qui transporte jusqu'au client, parce qu'il se trouve que le client paie la livraison. Inutile de dire que la dame qui transporte ne voit pas où est le problème de ne pas transporter, tandis que son entrepôt se trouve à 40 kilomètres de chez moi. Du coup, j'ai dit non. Quant à la dame qui fournit, elle m'a demandé de négocier à sa place avec la dame qui transporte, au prétexte qu'il faudrait limiter les intermédiaires. Du coup, j'ai dit non aussi. Je l'admets, mon attitude est, depuis quelque temps, absolument anti-théâtrale.

26 janvier 2016

Sur le métier (suite)

Cette journée a été magnifique, comme toute journée où on trouve enfin des solutions concrètes à des problèmes qu'on ne parvient pas à résoudre depuis des mois. Depuis ma cervicalgie de septembre, je peinais à rattraper mon retard en toutes choses. Je me suis parfois fait l'effet de travailler comme une mule : porter, endurer, porter, endurer. Cela fait des mois que j'en ai concrètement plein les cervicales. Et soudain, comme toujours d'ailleurs au bout de la fatigue, les choses se mettent en place, en même temps, comme un puzzle. Allez savoir pourquoi cela se passe comme ça, en même temps. Je cherchais depuis des mois la solution pour reconstruire sur mon site une boutique en ligne qui soit adéquate avec la nature réelle de mon projet éditorial : ce matin, mon e-verasoie a trouvé la solution technique qui va permettre de le développer à terme sans en rabattre sur les combinaisons qu'il induit. C'est donc possible. Le savoir, c'est comme retrouver du temps ou se rendre compte qu'on possède en fait une pièce de plus dans son appartement. Et comme c'est possible, alors, c'est exactement ce qu'on va faire. Depuis septembre, je cherchais également à mettre en place un système simple de comptoir dans Paris, où les libraires pourraient envoyer leurs coursiers pour accélérer l'enlèvement des commandes : voilà qui est maintenant négocié, et hors du système qui consiste à échanger l'édition d'une facture contre un délai de 60 jours de paiement. A partir de la semaine prochaine donc, le dispositif du petit Mûrier blanc sera enfin complètement structuré. La semaine dernière, en voyant ma tête lors d'une réunion, mon éditeur préféré m'a intimé l'ordre de faire une nuit de 18 heures. Maintenant que j'y pense et qu'on a fait du beau travail, je ne vais plus me gêner. Je vais aller de ce pas retrouver mon ami Morphée et, pendant que je dors sur ces bonnes nouvelles, je vous laisse avec la couverture de Couteau tranchant pour un cœur de tendre de Maria Rybakova qui, d'après mes sources, sera bien sur le stand du Ver à soie à la mairie du Ve arrondissement les 5 et 6 février prochains. Enjoy !

27 janvier 2016

Livraison (suite)

Ne faites plus la même confusion que moi. Si vous attendez un livreur qui livre, il se peut qu'on vous envoie un passeur qui passe : devant chez vous, sans s'arrêter, sans descendre du camion, sans faire le code porte, sans appuyer sur l'interphone. Et, comme il ne fait que passer, vous recevez, une heure après, un message du genre : "Votre colis n'a pas pu être livré". En fait, passer n'est pas livrer, c'est un nouveau métier. Et vous avez beau expliquer que quelqu'un attendait à l'intérieur de l'immeuble qu'on s'y présente et qu'on y sonne, on vous demandera si, à l'avenir, il n'y aurait pas, dans votre entourage, un voisin que vous pourriez solliciter et asseoir sur votre canapé pour attendre, à votre place, que quelqu'un passe sans s'arrêter en quelque sorte. Seulement voilà : a-t-on seulement, dans son entourage, quelqu'un qui pourrait perdre son temps à attendre que quelqu'un passe et sans être prévenu que, attention, quelqu'un va passer, quelqu'un est en train de passer, et voilà, ça y est, c'est terminé, quelqu'un a fini de passer ? Reste à espérer que le bonhomme aura apprécié de passer dans le quartier. Ce que cela me rappelle ? Minsk, 1994. C'était fou, tous les jours, pareil.

31 janvier 2016

Depuis ce matin, 8 heures, je tente vainement d'accéder à un certain nombre de sites internet, mais la réponse qui m'est faite est à peu près toujours identique. Exemple : Déclaration de chiffre d'affaire, erreur. Affichage de la déclaration impossible (ça, c'est juste pour le RSI, rien de grave, n'est-ce pas ?). On ne nous envoie plus de déclaration papier, et on nous a intimé l'ordre de déclarer nos revenus en ligne, sous peine d'être taxés. Sauf que, voilà : "Affichage de la déclaration impossible". La journée commence fort. Je me dis : ce n'est pas grave, j'essaierai à nouveau ce soir. Dans l'attente, je dois encore caler un rendez-vous sur internet pour une livraison, alors allons-y ! J'entre sur la plateforme indiquée par le fournisseur : "Notre site est momentanément indisponible". Très bien. Changeons de navigateur pour voir ce qui se passe. On ne sait jamais. Rien, ou plutôt, idem, rien ne fonctionne. Ce pays va mal décidément, très mal. Tout a l'air en rideau, dingue, pensé en dépit du bon sens. On passe ses journées à résoudre des problèmes, on est fiers de les résoudre, on se dit qu'on va pouvoir enfin un peu se reposer, mais non, c'est impossible, il n'y a jamais de répit.

Un jour peut-être, je vous raconterai l'autre bataille que j'ai livrée cette semaine et que j'essaie d'écrire, parce que j'adore écrire sur la folie du monde. Mais là, c'est tellement fou, tellement tordu, que même moi, je ne parviens pas à écrire pour en rire. Car je ne suis même plus certaine de savoir à qui j'ai réellement affaire : une bande de malandrins ou un nid de bras cassés qui transforment absolument tout ce qu'ils touchent en une telle usine à gaz, que qui voudrait expliquer ne serait-ce qu'une seule étape du problème, aurait le sentiment de devoir écrire une thèse de 300 pages ? C'est la première fois que je suis confrontée à des gens qui, à chaque fois qu'il faut prendre une décision, ne prennent pas seulement systématiquement la mauvaise décision, mais la pire des décisions possibles. A côté, La Récolte de Priajko, texte grandiose sur la loi de Murphy, ne ressemble plus à rien et a l'air juste fade. Du coup, j'ai tout de même pris un rendez-vous avec un avocat dans un tribunal d'instance, mais cette fois, même en Biélorussie, je n'ai jamais vu cela. Qui voudrait écrire un scénario de film sur la vie d'une entreprise et aurait besoin de personnages hauts en couleur, tous plus hallucinants les uns que les autres dans leurs répliques, me contacter svp. Audiard lui-même n'en reviendrait pas. Il n'y a plus que des bourres-pif, plus jamais de paix, c'est juste grand dans le délire intégral. A suivre...

1 février 2016

Messages de lecteurs du lundi matin, entrain !

"Bonjour

J'ai aimé vous rencontrer avec vos livres qui m'ont touché par leur beauté et par leurs thèmes. "Mamou" est un petit bijou". Jacqueline.

4 février 2016

La blague du jour

"Entrepreneurs : téléchargez votre manuel gratuit de formation en .pdf"

7 février 2016

Journées russes à la mairie du Ve arrondissement ce week-end

Je fume à l'extérieur de la mairie et une policière me pousse (si !), en m'intimant l'ordre de jeter ma cigarette dans une poubelle de la ville de Paris en forme de sac plastique transparent qu'elle prend pour un cendrier. D'abord, je ne comprends pas où elle voit un cendrier, mais lorsque je comprends, je fais quelque chose que je n'ai pas fait depuis des années : puisque la maréchaussée est en train de m'intimer l'ordre de mettre le feu aux poubelles de la ville de Paris, j'obtempère sans discuter et je jette en pouffant ma cigarette allumée dans le sac poubelle en plastique, dans l'espoir qu'il en sorte bientôt une belle fumée. L'idée qui me traverse l'esprit à ce moment-là ? Si la maréchaussée veut absolument vivre et se comporter comme en Russie, je vais prendre du plaisir à la voir courir après les extincteurs. A part ça, je suis restée bien évidemment très polie, parce que ce genre de conne intégrale est tout de même autorisée à porter un flingue à la ceinture.

Lorsque je reviens de ma pause, en pensant que le monde a décidément beaucoup changé et qu'il va encore falloir se préparer à souffrir, je vois qu'un papier rose a été glissé par une main invisible dans les pages d'irrévocable ! Lorsque je déplie le papier, je lis : "L'indifférence est une paralysie de l'âme" (Anton Tchekhov). Le peuple syrien meurt sous les bombes..." Je me retourne, je regarde autour de moi pour tenter de comprendre d'où vient ce papier et je croise le regard intense d'une jeune femme qui attend en fait de voir quelle est ma réaction. Nous nous sourions. Elle s'approche de moi, me sert les mains en murmurant un "merci beaucoup", puis passe glisser son tract entre les pages d'un autre livre sur un autre stand. C'est simple, calme, silencieux, personne ne la remarque. Cette femme n'a visiblement plus grand chose à perdre et elle a tout son temps.

Je me rends progressivement compte qu'elle n'est pas seule. La résistance silencieuse des tracts roses est tout autour. Le mot est déjà passé dans le groupe sur les stands bienveillants et ceux qui ne le sont pas. Des jeunes passent devant mon stand. Certains, sans rien dire, me prennent la main pour la serrer ; d'autres me pressent amicalement le bras en passant. C'était très fort à vivre. Sur le moment, j'ai regardé ces tracts circuler en toute discrétion, jusque sur le stand des guerriers en chambre de "L'Europe colonisée" et de "Une jeunesse hitlérienne". D'année en année, ces gens qui agissent pour la guerre au nom de la lutte contre la bien-pensance prennent toujours un peu plus de place. Peut-on seulement leur laisser toute la place ? Ou bien deviendrons-nous dans un an, deux ans, trois ans, comme ces jeunes survivants Syriens qui, un peu à la manière de fantômes jetant des bouteilles à la mer, circulent entre les stands pour y déposer des citations de Tchekhov sur des bouts de papiers roses ?

9 février 2016

Sur le métier (suite)

Hier, j'avais rendez-vous au Tribunal d'instance de Bobigny pour rencontrer un avocat au sujet d'une affaire ubuesque d'impayé. L'avocat s'est trouvé être une avocate. La dame m'écoute attentivement, puis elle me donne une leçon de procédure qu'elle décline en 3 parties pour m'expliquer comment on donne des gifles en trois temps. Je me dis que ce sera une valse très longue, mais une valse tout de même, et que c'est parfait ! Mais avant de terminer, elle me dit : "bien, une fois ces questions de procédure mises à part, reste toujours le sentiment très désagréable de s'être fait avoir et cela nous arrive souvent n'est-ce pas ? Alors je vais vous demander de faire une chose : si jamais vous sentez que quelqu'un cherche encore à vous piéger de cette manière, n'hésitez plus une seule seconde à m'appeler, je me ferai un plaisir de vous conseiller".

Ce matin, j'avais rendez-vous à la Chambre de commerce et d'industrie pour procéder à la modification de mon statut d'auto-entrepreneuse, puisque ce dernier disparaît de facto, mais vue la dernière séance qu'il m'avait été donnée de vivre sur la question de la validité de mon nom de famille, sincèrement, je m'étais préparée au pire. Je suis toutefois reçue par une jeune femme qui me demande d'emblée : "Préférez-vous que votre entreprise soit déclarée à votre nom ou à celui de votre mari ?" J'inspire. Elle poursuit : "Je vous demande ça, parce que nos ordinateurs vont mettre par défaut le nom de votre mari. Si vous souhaitez que votre activité soit enregistrée à votre nom, il va nous falloir rouler l'ordinateur. D'ailleurs, moi aussi je garde mon nom, parce que c'est la loi, et il n'y a de toute façon que votre nom qui a une réelle valeur juridique !" J'expire, en la regardant faire force clics, puis "enter !" et "Hop, c'est fait", me dit-elle. "Nous sommes bien en 2016 et vous êtes bien Madame Symaniec". Silence radieux qui dure.

16 février 2016

Sur le métier (suite)

Bonjour, votre interface bancaire est bloquée. Et pourquoi ? Tentative d'intrusion : entrées successives de mots de passe erronés. Où que l'on se tourne, on tombe sur une tentative de larcin. Aucun répit. Et c'est encore sans compter avec tous les "tu n'as qu'à subir, attendre et te taire". Mais m'a-t-on bien regardé ? "Virginie, me demande une voisine, pourquoi travailles-tu donc autant ?" Non, je ne travaille pas assez, au contraire. Lorsque j'ai passé une matinée à faire la queue à ma banque pour comprendre que quelqu'un a tenté de craquer mon compte, j'ai perdu une matinée de travail, laquelle matinée va bien devoir se reporter ailleurs. Est-ce qu'on sait seulement le travail que je suis capable d'abattre en une matinée lorsque j'ai réellement une matinée ? Tous les jours, il faut réparer quelque chose que quelqu'un d'autre s'est amusé à détruire. C'est tellement fastoche, de détruire. Alors je le dis à ma voisine : "C'est Sisyphe !" Mais elle me demande : "Et c'est qui, Sisyphe ?" Et me voilà sur le trottoir devant la porte de mon immeuble à donner un cours sur Camus à ma voisine. Or il n'est que 10 h 30. Je suis de nouveau enfin à mon bureau, et j'essaie de me regrouper, car je suis censée partir à Bruxelles pour la foire du livre. Sauf que je ne pars pas. Je ne pars pas, parce que j'attends. J'attends qui ? Un type qui n'a encore fait que passer au lieu de livrer. Une dame au téléphone me dit :"Il arrive Madame", mais je me fais engueuler parce que j'ai osé poser la question de savoir quand il se pouvait qu'il arrive, tandis qu'il ne cesse d'arriver depuis vendredi dernier. A peine ai-je raccroché que le téléphone sonne : "Bonjour, ici la médiathèque de X. Je me demandais si vous aviez bien envoyé le colis commandé, car notre boîte aux lettres a été fracturée la semaine dernière et..." Là, je devais téléphoner à quelqu'un pour un rendez-vous, mais en raccrochant, je me suis rendue compte que je venais de me laisser un message à moi-même. Tout va bien, tout va bien, tout va très bien...

23 février 2016

Bruxelles, où comment rater une vente à 59 euros lorsque votre premier métier vous rattrape

Un homme voit Novgorod ou la Russie oubliée, prend le livre en mains et dit: "C'est tellement important de s'intéresser à l'histoire de la Russie. En voilà un beau livre. Au fond, ce qu'il faut comprendre, c'est que cela fait des siècles que les Américains font tout pour séparer la Russie du reste de l'Europe". Soupir : "Vous voulez dire que les Américains faisaient déjà pression sur Ivan le Terrible en 1478, tandis que Christophe Colomb n'a découvert l'Amérique qu'en 1492?" ... Et le monsieur, pas content, de reposer le livre. Pour devenir riche, j'ai une idée : construire un boniment sur le fait que les Américains, c'est-à-dire les Indiens d'Amérique, ont bien participé à la fondation de Novgorod, certainement en passant par l'Alaska d'ailleurs, ce pourquoi Ivan le Terrible, déjà mu par une haine des Américains et la volonté de créer une catastrophe économique sur les marchés de la Hanse, ancêtre de l'Otan, s'est mis en tête de venir y empaler tout le monde ! Lorsque j'ai demandé au monsieur ce qu'il faisait dans la vie, il m'a répondu qu'il enseignait l'histoire. Alors on ne sait pourquoi, je me suis mise à tousser.

25 février 2016

Sur le métier (suite)

Connaissez-vous le jeu 1,2,3 soleil ? Amis éditeurs, n'y jouez surtout pas. La chose se présente comme une association qui commercialise les livres de ses membres en bibliothèques, mais les éditeurs s'y retrouvent une fois de plus à jouer les dindons de la farce. Le principe est simple : on vous demande de participer financièrement au paiement d'une commerciale censée vendre vos livres. Pour cela, vous donnez du stock à ladite commerciale, dont on ne vous fait par ailleurs que des éloges : elle fait merveilleusement bien son travail, c'est une perle qu'il faut bien évidemment payer, mais sans facture, parce que la dame n'est pas certaine du statut qu'elle voudrait avoir. Comme certains éditeurs sentent l'arnaque, ils refusent de payer la dame et/ou posent la question des solutions qui peuvent être trouvées pour clarifier son statut. Pendant ce temps, vous recevez des messages comminatoires accusant les mauvais payeurs d'acculer une pauvre travailleuse compétente à la misère en ne la payant pas. Bien sûr, vous vous retirez très vite de cette galère, mais vous demandez toutefois à recevoir les comptes. C'est là que plus personne ne répond, sinon pour vous expliquer qu'on ne peut pas vous répondre ou que votre attitude inique, qui consiste à ne pas vouloir évoluer dans ces conditions, revient à tirer sur l'ambulance.

Ensuite, on vous explique qu'on ne peut pas vous payer tant que les bibliothèques n'ont pas payé non plus. Quand au bout de trois mois, vous demandez pourquoi elles n'ont pas payé, on vous rétorque que nul n'est responsable des délais de paiement du Trésor public. Lorsque vous demandez quels sont les numéros de mandats, qui sont traçables, puisque nous en sommes à parler du Trésor public, on cesse de nouveau pendant très longtemps de vous parler. Lorsqu'on vous parle à nouveau, c'est pour vous dire qu'on recherche les factures. Comme on ne trouve pas les factures, on vous écrit : « Alors, pour l'ensemble, d'une manière générale, tu aurais su comment cela se passe dans cette structure, si au lieu de te contenter d'attendre tes royalties, tu t'étais un peu plus préoccupée, comme d'autres, de la façon avec laquelle tout cela fonctionne, et comment on aurait pu développer ce projet ... n'en serait pas là... » Prière donc de combler les ellipses.

Dix mois plus tard, et tandis que ladite association en était donc à inventer le mandat administratif à 300 jours, on me somma soudain d'envoyer un RIB. Ah. Mais quel RIB ? Bah, mais celui que j’avais déjà envoyé. Sauf que personne n'avait curieusement reçu mon RIB. Du coup, plus personne ne savait où se trouvait mon RIB. C'est là qu'une collègue qui, pour d’autres raisons, possédait mon RIB, prit gentiment l'initiative de le renvoyer à tous. Autant dire qu’on voulût qu’elle soit bénie pour dix générations. Mais le résultat fut qu'on me réécrivit de renvoyer une fois de plus mon RIB. Car comment voulait-on qu'on me paie, si je n’avais pas envoyé mon RIB pendant que mes collègues, eux, renvoyaient mon RIB ? Pendant ce temps, la « perle », qui était censée avoir vendu 6 de mes livres, cherchait toujours à qui elle avait bien pu les vendre et quand. C’est que, « perle » de son état, elle cherchait vainement à retrouver cette information depuis 210 jours. C'est là qu'on me fit comprendre que mes livres n'avaient finalement pas été vendus, mais qu'ils avaient « sans doute » été vendus, et encore fallait-il voir sur quel ton on employait maintenant le conditionnel. Or comme plus personne n'était plus certain que la perle était bien une perle, on m’annonça que, « selon les usages de la profession », on ne paierait désormais plus que les certitudes. Or il se trouvait que, entre-temps, on venait de retrouver 3 factures d'une valeur de... 40 euros et des brouettes. On ne demandait donc qu’à m’avancer le paiement des brouettes, pour peu que je veuille bien daigner envoyer mon RIB. Je continue ?

Oui, je continue, car on retrouva enfin mon RIB, mais pour m’envoyer un avis de virement qui ne correspondait à aucune facture éditée de ma part, au point que j’en fus à un stade où je ne parvenais plus à déterminer si j’avais affaire à de réels malandrins ou à des sortes de dingues qui, dès qu’ils touchent à quelque chose transforment tout par principe en usine à gaz. Le mieux était que ces gens semblaient vouloir occuper toutes les fonctions à la fois : prestataires de service, maman pour les caresses sur la tête, papa pour les gifles verbales et les discours comminatoires, et, ce qui ne gâche rien, fournisseurs, tant qu’à faire, puisque, en faisant ce virement anarchique, ils venaient de déterminer, mais seulement en accord avec eux-mêmes, les sommes à payer, les remises à appliquer, aussi bien que les délais de paiement. C’était du jamais vu, autant dans l’inversion des fonctions que dans le foutoir intégral. Car la cerise sur le gâteau fut encore que, le versement effectué ne correspondait même pas à un chiffre représentant la vente réelle de trois livres. En effet, une erreur de calcul s’était encore glissée dans ce pataquès, ce pourquoi, après virement, c’est moi qui me retrouvais à leur devoir 60 centimes. Il fallut donc déduire encore 60 centimes de trop perçu de la facture suivante, qui concernait les trois autres livres disparus dans la bagarre. On m’informa d'abord que je pouvais monter là-dessus pour voir Montmartre avant de récupérer leur paiement ; puis, qu’on ne pourrait de toute façon pas me payer le solde tant qu’on ne retrouverait pas, cette fois, la preuve de ma cotisation à l’association. Si.

C’est ainsi que je me retrouvai au Tribunal d’instance de Bobigny devant une avocate dont j’ai déjà parlé sur ce mur, et qui m’expliqua comment on colle des gifles en trois temps. Je procédais donc à l’étape 1, à savoir la très classique mise en demeure. Pendant que j’étais à la foire du livre de Bruxelles, un nouveau virement sans erreur de calcul s’est de toute évidence présenté sur mon compte, mais je n’ai pas pu profiter instantanément de cette bonne nouvelle, puisque mon interface bancaire était bloquée suite à une autre tentative de larcin. Pendant ce temps, à Bruxelles, ceux qui avaient payé le stand se voyaient accusés d’être des voleurs et des menteurs par ceux qui n’avaient en réalité jamais versé leur part. Alors je vous le dis : l’essentiel, dans la vie, c’est de participer ! La France est en crise ? Sans blague ! Pour tomber sur ce genre de situations, il suffit en ce moment de soulever n’importe quelle pierre.

Je discutais ce matin avec un auteur plein d'humour qui cherchait à me rassurer en me disant que marcher dans la merde portait finalement bonheur. On n'imagine donc pas à quel point je peux avoir de la chance, puisque j'ai pris l'habitude d'y marcher carrément des deux pieds. Je vais donc continuer à m’instruire de mes erreurs, mais qu’on me laisse baigner encore un peu dans ce régime de relations, et je vais finir par devenir aussi froide que Catherine II découpant la Pologne. Ou bien faut-il en rire, mais jusqu’où peut-on en rire ? Écrire m’aide à rire, de moi, des autres, de la folie du monde. C’est concret, la folie du monde. On voudrait juste parfois qu’il se mette un peu sur pause, le monde. Ce matin, j’ai encore eu affaire au libraire d’une ville dont on taira le nom, mais qui me passe des commandes à 10 h 32 pour les annuler à 11 h 03, au prétexte qu'il y a urgence et que je n’ai pas su faire face à son urgence en lui faisant parvenir le livre en moins d’une demie heure. Je lui ai promis d'investir dès que possible dans une catapulte, mais cela n'a pas eu l'air de le faire rire, et c'est tout le problème : savez, tout le monde n'a pas d'humour.

Finissons toutefois ce billet sur une bonne nouvelle : la chambre de commerce a bien enregistré mon entreprise sous mon nom pendant que j'étais à Bruxelles. Au moins, tout le monde saura-t-il maintenant officiellement comment je m'appelle.

29 février 2016

J'entends ce matin qu'un agriculteur voit actuellement son lait acheté 0,28 cts d'euros le litre par une coopérative qui va revendre le même litre à 1 euro. La coopérative laisse donc moins de 30% au producteur pour vivre et continuer à produire. Pourquoi le monde de l'agriculture est-il en crise déjà ? C'est une très bonne question : réponse dans un siècle. J'imagine que, dans l'attente, une fois passée la barre du 0,10 cts le litre, l'étape d'après sera de préempter la vache pour obliger l'agriculteur à venir la traire gratuitement au kolkhoze... Je plaisante...

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J'en ai tellement assez de toute cette violence que j'ai cessé de travailler pour rêver au développement du Ver à soie aujourd'hui : il en résulte que je suis désormais à la recherche d'une caravane pliante rigide de type Esterel ou rapido d'occasion de moins de 500 kilos, et donc assimilée remorque (sans carte grise). Si vous connaissez des personnes qui vendent la leur, merci de me contacter en mp.

1 mars 2016

L'heure est aux commandes et aux investissements : la différence entre un barnum plié d'1 m 28 et un barnum plié d'1 m 57, c'est que le premier entre dans la Twingo, tandis que, avec le second, il va falloir choisir qui, de Gus ou du barnum, va entrer dans la Twingo. Tss... Alors je téléphone au fabricant pour être bien certaine qu'il a en stock le modèle qui me convient. "Ah madame", me dit-il. "C'est de toute façon le meilleur de tous les modèles : ultra résistant, il entre dans les petites voitures, et beaucoup de femmes le choisissent pour sa légèreté ! (Un temps.) Vous n'êtes pas du genre bodybuldée, dites-moi ?" Alors moi : "Heu, hi hi ! C'est que, si on me voit arriver de loin, ce n'est certainement pas à cause de ma musculature !" Et lui : "Ne changez surtout rien madame ! Surtout, restez comme vous êtes ! C'est un vrai plaisir de s'adapter !" Non mais quelle ambiance, chez les fabricants de barnums. Je suis pliée ! Je ne sais pas ce que lui a fait la dernière femme musclée qu'il a rencontrée, mais le monsieur avait l'air d'avoir de mauvais souvenirs. On a donc pu poser une option sur le m 28 une fois plié ultra léger et résistant, me dit-on, à des vents de 60 km/h. Et voilà comment, avec un peu de chance, les livres du Ver à soie auront aussi un toit sur la tête avec l'arrivée du printemps. Tout va se remettre à l'endroit, et tout va se remettre à l'endroit en même temps, comme d'habitude.

2 mars 2016

Dans cet article, on apprend que certains labos du CNRS travaillent déjà sur la manière de capter les "circuits courts" en plein développement pour aligner progressivement leurs coûts de fonctionnements sur ceux des "circuits longs" (contre lesquels on redéveloppe précisément en ce moment les "circuits courts") : par exemple, on postule que, dans les cantines, les dernières personnes qu'on va embaucher sont celles qui sauront couper des légumes. A partir de cette idée, on suggère au producteur (ou au groupe de producteurs), en particulier de fruits et légumes, de créer des plateformes intermédiaires qui auront à charge de couper les légumes pour leur compte, et pas pour celui des cantines. Au fond, c'est bien connu, couper des légumes, c'est difficile. Tout le monde ne peut pas avoir cette compétence, qui ne doit plus nécessairement être requise, et surtout pas en des lieux où on fait la cuisine.

Qu'on me pardonne si cela m'amuse de transposer au monde de l'édition : comme le type qui coupe les pages et les colle dans le bon ordre existe déjà (c'est l'imprimeur), j'en déduis qu'on pourrait également suggérer aux éditeurs indépendants qui explorent actuellement les "circuits courts" pour reconstituer leur trésorerie, de se regrouper pour dépenser leurdite trésorerie à créer, à leurs frais donc, les nouveaux intermédiaires de demain qui, organisés en plateformes, tourneront les pages à la place des lecteurs. La première bonne nouvelle est qu'on travaille dur au CNRS en ce moment pour comprendre comment recréer des intermédiaires au sein de dispositifs dont toute l'organisation repose sur le fait de s'en passer. La deuxième bonne nouvelle est qu'on nous fournira même un jour un logiciel capable de révéler les "coûts cachés" desdits dispositifs, pour démontrer à ceux qui les explorent qu'on ne peut, ni se passer des intermédiaires, ni des jobs de merde, partant, ni de la gabegie constitutive des "circuits longs".

5 mars 2016

Le 4 mars au soir, Luc Fivet et moi rencontrions, à la médiathèque de Plélan, les habitants et membres de l'association "On bouquine!" A la fin de cette belle rencontre, où nous avons échangé des choses très fortes autant sur Marche ou rêve que sur notre actualité, nos auditeurs ont acheté des livres du Ver à soie. Le lendemain matin, Luc était de nouveau invité à dédicacer Marche ou rêve à la médiathèque. Pendant deux heures, les mêmes sont revenus, et... ont encore acheté des livres, un peu comme s'ils avaient rêvé pendant la nuit à qui ils allaient maintenant pouvoir les offrir. C'était fantastique, tout simplement. Des moments comme ceux-là, je veux bien en organiser absolument autant que vous voulez, partout, dans toute la France. Sincèrement, chaleureusement, merci Plélan !

6 mars 2016

Sur la loi travail

Mon passage préféré : "Et qui possède les moyens de productions ?" (Diana Filippova) Le moment est génial. En France, on dirait qu'un ange passe, tandis qu'en Biélorussie, on dirait qu'un milicien vient de naître. Je vais me jeter sur le livre de cette femme brillante qui m'a fait rire en lâchant le mot "Marx" et qui les étale tous en les obligeant à penser en dehors de leurs cadres, schémas, cases, catégories de pensée et de discours totalement (je n'ai que le mot fasciste qui me vient de nouveau à l'esprit, pourquoi ?) d'organisation du travail ? Et pourquoi vais-je aussi me jeter parallèlement sur le livre de monsieur Deneault intitulé La Médiocratie; lui qui en rajoute encore une couche en osant faire, au cours de ce débat, la comparaison entre la relation que nos libéraux contemporains entretiennent à la mondialisation et celle qu'entretenaient les communistes des années 20/30 à l'URSS ? Jubilatoire de voir ces deux-là camper sur une position politique qu'ils opposent aux seuls critères de "l'économisme" en créant du consensus autour de la question du sens et du lien que le travail devrait enfin pouvoir entretenir, au XXIe siècle, avec la pensée démocratique.

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"Bonjour Madame l'éditrice

Je vous avais rencontré brièvement lorsque j'étais passé à la foire du livre de Bruxelles, le dimanche, avec ma fille.

Vous m'aviez conseillé "Les esprits moldaves", qui effectivement est excellent (inattendu, absurde, et tellement d'humour) !

J'avais également acheté, et fait dédicacer, le livre "Marche ou rêve" de mon ami Luc.

Je vous avais déjà signalé que le livre était bien beau (couverture...). Il s'avère qu'il est également merveilleux à l'intérieur... en ce sens que je l'ai lu en quelques heures, et l'ai trouvé passionnant, original et émouvant. C'est un livre magnifique qui gagnerait à être connu.

Je souhaiterais en acheter 5 exemplaires, que j'offrirai à mes meilleurs amis, une manière pour moi de diffuser "la bonne parole" (et son bel écrin). Pourriez-vous me dire comment nous pouvons procéder?

Merci et bonne continuation à vous ! (grâce à qui des livres de valeur trouvent possibilité de naître et circuler)"

N'est-ce donc pas magnifique de se dire qu'on a largement réussi sa journée avant d'aller dormir ? Merci, monsieur le lecteur. Un Ver à soie reconnaissant pour ces mots chaleureux.

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Volé à Catherine

Je ne savais pas que les PUF étaient impliqués dans le développement de ce principe. Jusqu'à présent, je n'avais entendu parler que de Orséry, sans faire le lien.

Que nous dit l'article ? "Il s’agit d’une « librairie d’une conception totalement novatrice. Le temps d’un café, ou d’une rencontre avec un auteur, chacun peut fabriquer et acheter son livre parmi le catalogue des titres disponibles du fonds et des nouveautés des PUF, au prix et au format habituels — avec une personnalisation possible », insiste l’éditeur".

"Chacun peut fabriquer et acheter..." Toujours la même idée : penser le report d'une partie du temps de travail de fabrication sur le consommateur désormais inclus dans la chaîne de production, mais sans rémunération. Au contraire, il paie. L'éditeur devient maquettiste (et encore : plutôt un producteur de "flux de texte"), le libraire devient photocopieur et l'imprimeur peut toujours essayer d'aller à l'est voir si on y est. L'étape d'après ? Ceux qui ne veulent en réalité pas lire sur leur écran n'auront qu'à payer le téléchargement d'un .pdf sur n'importe quelle plateforme internet pour l'imprimer chez eux sur leur propre imprimante. Sauf qu'en fait, ce n'est pas l'étape d'après...

8 mars 2016

Pour moi, le 8 mars, depuis 5 ans, c'est la journée internationale du décès de ma mère, ce qui explique que j'ai un peu de mal, ce jour-là, à me prendre la tête sur "journée de la femme", "journée des droits des femmes", etc. Ma mère s'est battue sur tout, pied à pied, toute sa vie : pour le droit d'avoir une machine à laver, pour le droit d'apprendre à conduire, pour le droit d'avoir un travail et un salaire, pour le droit de gagner 3 francs de plus que mon père, pour le droit d'ouvrir la bouche sans se prendre une gifle, pour le droit à être considérée comme un être humain avant d'être traitée comme une femme, pour le droit à mourir dignement aussi. Elle est partie à 66 ans, c'est-à-dire qu'elle a eu concrètement droit à 27 ans d'espérance de vie de moins que sa propre mère. C'est dire avec beaucoup d'ironie si la vie lui fut douce. Moi, je me souviens, de tout, et la mémoire de ses peines et de son regard reste mon sabre, le seul, tous les jours, même et surtout les années bissextiles. Lorsque je doute, je regarde cette photo, parce qu'il y a tout sur cette photo, à commencer par ce regard qui ne baisse pas les yeux en dépit de sa fatigue et de sa tristesse. J'aime cette photo. Cette beauté m'apaise. Au Ver à soie, c'est un étendard.

11 mars 2016

Et pendant que certains démontrent que, en revalorisant les circuits courts, des agriculteurs parviennent justement à sortir de la cavalerie, à générer aussi bien du chiffre d'affaire que des bénéfices, et à se positionner en effet comme des entrepreneurs qui ne bradent plus leur travail pour espérer en vivre plutôt que de finir au bout d'une corde, sarkontinue...

14 mars 2016

Sur le métier (suite)

La nouvelle boutique en ligne du Ver à soie est désormais en ligne. La précédente avait été piratée par Akunamata et les Russes de Toula et Saint-Pétersbourg à l'été 2014. Je les remercie. J'ai beaucoup appris depuis. Cela aura été un vrai combat contre moi-même de repenser cette boutique et de la remettre en ligne. Des heures de travail aussi. Le problème est que, lorsque j'ai une idée en tête, je ne l'ai pas ailleurs, quel que soit le temps que ça prend. Cette fois, j'ai pris le temps. Pour mille raisons. Il y a quelques nouveautés : le site du Ver à soie sera désormais le seul où on pourra trouver d'autres supports que le papier. Deux e-pub sont déjà proposés à la vente, mais cela ne s'arrêtera pas là. Un troisième arrive (spécialement dédié à mes pirates russes, qui me le rendront bien, mais je suis prête), et j'ai bien d'autres idées. Pour l'instant, je crois avoir mérité une vraie nuit de sommeil pour y rêver.

18 mars 2016

Livre Paris

Il était déjà tard. J'allais quitter le stand de la Région Île de France hier soir, lorsque je vois une femme regarder mes livres. Je m'approche : "Puis-je vous renseigner ?" Je ne sais pas comment il se fait que cette femme originaire de Vitebsk se trouve à ce moment-là devant ma table de livres. Et lorsqu'elle prononce le mot "Vitebsk", je soupire, car il est presque 22 heures, et je voudrais que la Biélorussie me lâche parfois, ou bien qu'elle s'efforce de ne pas réapparaître comme ça, sans prendre rendez-vous, à 22 heures, via Vitebsk et cette petite-fille de survivants, au moment où je n’ai qu’une envie : rentrer chez moi. Car lorsque cette femme prononce le mot "Vitebsk", il n'y a rien à expliquer. Tout est parfaitement clair. Donc, je soupire. Mais la conversation avec cette femme tourne de telle manière, que nous nous mettons à parler du post-exil, de ceux qui viennent après, et qui, me dit-elle, sont en permanence dans "l'entre-deux." Alors je le lui demande : "Dans l'entre-deux de quoi ?" Sa réponse : "De la vie et de la mort". Silence lourd, mais limpide.

"Notez que je ne dis pas la vie ou la mort, le passé ou l'avenir", poursuit-elle. "Je dis la vie et la mort, le passé et l'avenir, car ce n'est pas exclusif. Il n'y a pas d'un côté l'ombre ou de l'autre, la lumière. Il y a l'ombre et la lumière, et nous ne sommes peut-être pas obligés de choisir." Genoux qui flanchent, envie de m'asseoir, mais elle poursuit : "Lorsqu'une génération ne fait pas son travail, la suivante le paie très cher. On le voit bien sur vos livres, que c'est ce qui vous arrive." Et je pense : sur mes livres, peut-être pas, mais sur mon visage, ça... Le tabouret est de l'autre côté du stand, car je suis, bien évidemment, à ce moment-là, du mauvais côté du stand pour m'asseoir. "La vie et la mort, pas la vie ou la mort. C'est le "et" qui est le plus difficile à penser, regarder vers l’avenir sans avoir le sentiment qu’on commet un acte de déloyauté parce qu’on veut vivre, mais il faut y parvenir, sans quoi, l'horreur devient sans fond, sans limite".

Au « Mesdames et messieurs, Livre Paris va fermer ses portes… », nous nous sourions, et tout est d'un calme. Alors je suis allée m'asseoir très lentement dans ma voiture. Envie de prendre l'autoroute et de rouler, peu importe dans quelle direction, mais j'allume une cigarette et ma Twingo légendaire me ramène à la maison, où la pub FB qui m’attend est : « Service civique, trouvez votre mission ». Je pouffe.

25 mars 2016

Avant, il y avait une mauvaise nouvelle par jour. Maintenant, elles tombent toutes les heures.

26 mars 2016

Autonomie, mobilité et un peu plus de confort pour réinventer l'édition indépendante pliante. L'objet (seul modèle qu'une Twingo puisse tracter, et comme l'indiquent très bien la couleur et les motifs du tissu d'origine des sièges intérieurs), est daté de 1972. En fait, ce modèle de caravane pliante a juste 4 ans de moins que nous, ce qui en fait un collector. Mon garagiste en rigole encore et nous aussi ! Selon son ancien propriétaire, l'objet, une fois plié, a été "galvanisé" pour pouvoir servir également de remorque. Admettons que cela tombe plutôt bien, puisqu'on n'a qu'une Twingo pour transporter famille, stocks et matériel de marché. A ce propos, quelques investissements restent encore à faire (cadeau 4), mais en attendant, nous avons vraiment passé une super journée. Et le cadeau 3, me direz-vous ? C'est quoi alors ? Un truc vraiment pas cher, que je rêve de m'offrir depuis longtemps et que je crois avoir mérité encore plus que tout le reste : une vraie grasse matinée.

28 mars 2016

J'ai beaucoup lu aujourd'hui : des tapuscrits que j'ai trouvés fantastiques, d'autres sur lesquels j'ai piqué du nez à la seconde page, d'autres qui n'entrent absolument pas dans ma ligne éditoriale et que je n'ai aucune raison d'éditer. Je n'ai bien évidemment pas terminé mes lectures. C'est un domaine où j'ai le sentiment d'être en retard en permanence. Il est vrai que je ne veux pas avoir le sentiment d'être pressée pour répondre. Je me rends compte qu'il m'arrive parfois même de ne pas répondre. Je dis cela, parce que j'ai reçu quelques messages assez agressifs ces derniers temps, de personnes qui ne comprennent pas que je puisse ne pas avoir envie de les éditer. "Vous, les éditeurs, de toutes façons..."

Pour ma part, je ne me suis jamais présentée comme objective ou infaillible, bien au contraire : j'ai une ligne éditoriale que j'ai autoproclamée en commun accord avec moi-même comme étant celle du Ver à soie. Il s'agit donc d'une décision parfaitement égoïste, qui peut paraître arbitraire, mais qui répond à des centres d'intérêts et de recherches qui sont aussi les miens. Éditrice, ce n'est pas non plus coach en écriture : il peut m'arriver de corriger des coquilles, de suggérer des modifications, mais je suis devenue assez taiseuse sur ces questions. Une écriture, cela se voit. Lorsqu'il y en a une, c'est assez incontournable. Et un auteur qui fait son métier revient généralement lui-même sur son texte. Cela ne loupe jamais, en fait. Dix minutes avant que je n'envoie le fichier à l'imprimeur, il relit encore, demande à corriger encore, travaille encore, modifie encore. Un auteur prend sa place, jusqu'au bout. Cet effort est sacrément beau à regarder et cela se respecte, me semble-t-il.

A contrario, il m'est arrivé une fois de passer 6 mois à corriger un texte : cela m'a valu d'être traitée comme la pire des serpillères au moment de la parution par la personne que j'avais passée tant d'heures à corriger. L'état dans lequel vous arrive un texte en dit tellement sur celui ou celle qui l'écrit à un moment M. Si j'avais écouté ce que me disait cette écriture qui n'en était pas une ; si je l'avais regardée pour ce qu'elle était, à savoir une expression d'irrespect et de violence en tant que telle pour celui ou celle qui était censé la recevoir, jamais je n'aurais fait l'erreur de bleue de l'éditer. Aujourd'hui, lorsqu'un texte me permet de cesser de penser à cette violence - je ne parle pas de contenu, car cela ne me dérange pas d'éditer des contenus ou des sujets violents assumés comme tels -, alors je le prends en considération. Et lorsque je le prends en considération, je ne me pose plus que deux questions : vais-je ou non être capable de le défendre et sur la durée, pendant dix ans par exemple, et pourquoi ? C'est tout. Si j'ai l'encéphalogramme plat, tout en me demandant : "Mais bon sang, comment vais-je donc bien pouvoir en parler ?", le meilleur service que je puisse rendre à son auteur est précisément de ne pas l'éditer.

30 mars 2016

Il est vraiment très bien ce Mûrier blanc : il suscite des discussions et des prises de conscience vraiment intéressantes. C'est tout de même incroyable le nombre de gens qui n'en peuvent plus de se voir placés (par qui ?), dans la situation de vendre à perte. Je viens par exemple d'avoir une discussion avec un libraire qui n'avait pas idée de mes charges. Je me suis rendue compte que, au fond, je n'avais pas plus idée des siennes. Celui-ci avait sa calculette bien accrochée à sa caisse et, comme moi aussi, nous en sommes arrivés à la conclusion que nous étions tous les deux en train de tenter de finaliser une transaction qui allait nous conduire, et l'un, et l'autre, à vendre à perte. Oui, nous en sommes là. Qui le sait ? Le jour où des libraires et des éditeurs indépendants s’assiéront autour d'une table pour comparer et s'informer mutuellement sur leurs charges respectives, des solutions naîtront peut-être.

Dans l'attente, même si notre petit monde marche sur la tête, j'ai adoré cette conversation, car elle était claire, sans aucune animosité, juste les faits de part et d'autre, avec au fond une grande douceur face au sentiment d'hébétude que nous étions en train de partager. Il va falloir bouger ce monde. Je ne sais pas comment, mais cela ne peut plus durer. Lorsque deux personnes en sont à conclure, calculette en main, que le seul moyen de ne pas disparaître, c'est de ne pas finaliser la transaction, c'est qu'il y a tout de même un énorme problème. Tous les beaux discours théoriques et idéologiques, c'est bien joli, mais nous voilà bien en pleine économie réelle. Et j'en suis forte aise, car nous sommes deux à avoir compris bien des choses ce matin. Nous avons donc pris la décision commune de ne pas brader notre travail, et c'est bien. Cette conclusion 1 est toujours ça de pris face à autant d'organismes qui, eux, pour le coup, ne toucheront rien sur cette transaction, sans rien avoir à porter des coûts que nous nous sommes décrits. Conclusion 2 : nous allons essayer de trouver de quelle manière pouvoir travailler ensemble. Alors mais oui ! Avec joie !

5 avril 2016

Tandis que nous déjeunons entre éditeurs, un collègue me lance : "Et comment va votre mari ?" Alors moi : "Très bien... Mais dites-moi, comment connaissez-vous mon mari ?" Alors la conversation donne à peu près ceci :

Lui - Vous êtes bien la femme de cet escroc de marocain qui tient un pressing du côté de la gare Saint-Lazare à Paris ?
Moi - ?
Lui - Il achète des stocks aux éditeurs sans jamais les payer.
Moi - Dans un pressing ?
Lui - Vous n'aviez pas remarqué que je vous faisais la gueule ?
Moi - ?
Lui - Que j'étais froid ?
Moi - C'est que nous ne nous connaissons pas. Du coup, j'imagine que vous n'avez aucune raison de me sauter au cou.
Lui - Mais enfin, vous n'en êtes pas à votre première maison d'édition.
Moi - Mais si !
Lui - Parce que cette femme passe son temps à monter des maisons d'édition en enchaînant les faillites frauduleuses !
Moi - Aha.
Lui - Et elle est rousse comme vous !
Moi - Aha.
Lui - C'est pas vous ?
Moi - Ben non.
Lui - Merde ! Je n'arrête pas de dire à tout le monde qu'il faut se méfier de vous parce que vous êtes la femme de cet escroc ! Vous n'êtes pas mariée à un Marocain qui fait de la revente de livres dans un pressing ?
Moi, riant aux éclats quand même - Non, mon mari n'est pas Marocain, et il est comédien.
Lui - Mais depuis quand ?
Moi - Bah... Longtemps en fait.
Lui - Mais c'est sûr ?
Moi - Mais oui !
Lui - Oh la la, je m'excuse, je n'arrête pas de dire du mal de vous à tout le monde, parce que je vous confonds avec quelqu'un d'autre !

Je suis de bonne composition, je vous le dis. Le soir, j'appelle mon mari et je lui demande : "Dis-moi choupon, tu m'avais caché que tu étais Marocain et que tu faisais de la revente frauduleuse de livres dans un pressing ! Sincèrement, je trouve que, au bout de plus de 25 ans de vie commune, ce type de cachoterie pourrait passer pour un prétexte à demander le divorce... Est-ce que cela te dérange si je me teins en brune ?... Non non mon chéri, ce n'est pas une blague juive, même si je commence à me demander si ce n'est pas toi qui nous porterais un tantinet la poisse !... Pourquoi en brune ? Mais parce que toutes les rousses se ressemblent, et que j'ai de toute évidence un sosie roux qui enchaîne les faillites frauduleuses, tout en étant mariée à un escroc marocain qui, même en faisant de la revente de livres dans un pressing, doit de l'argent à tout le monde. Ce genre de tuile est une raison suffisante pour se teindre, qu'en penses-tu ?" Mon mari est de très bonne composition lui aussi, je vous le dis. Il me jure que le roux ne le dérange pas, et que l'idée d'ouvrir un pressing pour faire de la revente de livres ne lui a jamais traversé l'esprit : ce que je prends finalement pour une très bonne nouvelle, y compris et surtout d'un point de vue strictement économique.

8 avril 2016

J'avais eu droit, pendant plusieurs mois, à des petites annonces FB m'expliquant que Marcel, militaire vêtu de son treillis, ne résidait qu'à 3 kilomètres de chez moi. Ensuite, j'ai eu droit à la pub FB pour les recrutements dans l'Armée de terre. Après quoi, nous sommes passés aux pubs FB pour les recrutements de surveillants pénitentiaires. Et maintenant, j'ai droit aux pubs FB pour les recrutements dans la gendarmerie ! Qu'est-ce que les algorithmes FB ne comprennent pas exactement, dans mon profil ?

9 avril 2016

Pourquoi ne parvient-elle pas à travailler ? Pendant 15 ans, on lui a dit qu'il n'y avait pas de place pour elle dans la société française. On lui a parlé dette, austérité, nécessité économique de supprimer des postes dans la recherche et l’Éducation nationale. On lui a parlé TUC, CUI, RSA, et autre précarité crasse. Tous les jours, l'angoisse : comment vivre demain ? Il lui est même arrivé de faire les poubelles avec ses diplômes en chocolat. Aujourd'hui, elle a 48 ans, c'est beaucoup de sa vie derrière elle, les plus belles années dit-on, et l'information lui parvient lentement mais sûrement au cerveau : l'équivalent de cette dette, qui a officiellement justifié le recul de tous ses droits (parce que l'officieux, c'est encore autre chose), à commencer par le droit d'avoir un travail, de poursuivre ses recherches, est quelque part du côté de Panama. La destruction des sciences humaines et sociales ? Panama. La retraite qu'elle n'aura jamais ? Panama. Le trou de la sécurité sociale ? Encore Panama ! Bon sang, mais que n'a-t-elle donc pas été plus tôt du côté de Panama ! Le prochain ou la prochaine qui me sert un discours de résignation dit pragmatique d'experts de droite pour me dire que c'est comme ça et pas autrement, je lui colle une gifle. Voilà, maintenant que c'est dit, ouf, je vais peut-être pouvoir me remettre au travail.

18 avril 2016

Sont marrants, les dinos, avec leurs arguments sur l'opacité protectrice de l'innovation dans les PME : qui leur explique les vertus, en matière d'innovation, du modèle économique collaboratif et de l'open source ? Ceci dit, je comprends : pour qui a toujours préféré piquer le jouet de son petit camarade au fait d'avoir des copains, ce n'est pas facile à comprendre.

19 avril 2016

Allez, on continue ! Pourquoi on continue ? Cela n'a aucune importance :

Sur le site du Ver à soie, vous pourrez maintenant trouver deux liens de menus supplémentaires : les e-pubs et les papillons USB du Ver à soie. Ces derniers sont à l'état de test. Et pourquoi remettre un e-pub, immatériel par définition, sur une clé USB bien concrète et matérielle, à l'effigie du Ver à soie, et servie dans un petit sac en organdi ? Cette idée m'est venue l'année dernière sur mes marchés, également grâce à nos discussions avec Marco Jazz. Certains badauds me le disaient carrément avec morgue ou brutalité : "Vos livres, je m'en fous, j'ai un ordinateur moi Madame !" ou encore "Ah moi, j'ai tout sur ma tablette maintenant !" (entendre : mets-toi un peu à la page).

Bien sûr, j'aurais pu considérer que, comme la grande majorité de mes acheteurs ne juraient que par le papier, rejetant parfois même par principe le format numérique, il était au fond inutile de tenir compte de ces remarques. Le problème est que, lorsqu'on se met sur un marché, c'est précisément pour entendre les remarques. Pourquoi les gens lisent-ils ? Pourquoi ne lisent-ils pas ? Qu'attendent-ils, au fond ? Comment évoluent leurs représentations du livre et de la lecture ?

Aussi, même si je ne le montre pas toujours, en fait, je tiens toujours compte des remarques. J'applique simplement les conclusions que j'en tire lorsque je trouve le temps et les moyens pour le faire. Mais sur les marchés, il devenait progressivement évident qu'il manquait quelque chose sur mon étal. Quoi ? Cette idée de clé USB n'est peut-être pas encore tout à fait la bonne formule ou la bonne solution. Mais on va pouvoir la mettre au travail, et on va bien voir comment elle se transforme.

Pour l'instant, je ne croise pas les livres avec leurs dérivés numériques sur mon site, au sens où je ne crée pas des packs à prix réduits pour l'achat de 2 ou 3 objets tirés d'une même oeuvre. Si parmi vous il se trouvait d'ailleurs des personnes de bons conseils pour m'expliquer comment faire légalement des packs, sachant que je ne peux pas bouger le prix du livre, je prends. Mais on pourra d'ores et déjà trouver quelques "papillons" sur le site du Ver à soie.

23 avril 2016

Va au théâtre, si tu te sens mal. Ça n'ira pas mieux, mais au moins tu iras au théâtre.

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