Entretien avec Luc Fivet : "Anonyme, ou savoir rire avec Kafka"
Anonyme est le second livre que vous publiez au Ver à soie. Sa tonalité est très différente de Marche ou rêve qui narrait l’odyssée de deux Sénégalais pensant arriver au pays des Droits de l’Homme et du citoyen. Dans Marche ou rêve, le sentiment était que vous vous écartiez du thriller ou du roman psychologique. Avec Anonyme, on a l’impression que vous y revenez en force, mais en y ajoutant un zeste de Kafka, de Hitchcock ou de certains romans russes de la fin du XIXe siècle comme Le Double de Dostoïevski ou Le Nez de Gogol. Est-ce que ce genre de références, cela compte lorsqu’on écrit un texte comme Anonyme ? Et qu’est-ce que le genre du thriller vous apporte ?
Dans mon panthéon littéraire, Kafka occupe une place éminente. À mes yeux, c’est le créateur du roman moderne : il assume totalement un regard subjectif sur la vie et, à partir d’une anecdote, il arrive à développer une vision du monde à laquelle il est possible de s’identifier. Ce que j’aime aussi chez lui, c’est le côté fable de ses récits : il ne se soucie pas de vraisemblance, il est surtout attentif à la cohérence de son intrigue. Ainsi, Joseph K est logiquement amené à se confronter à des situations de plus en plus absurdes, dont l’issue paraît chaque jour un peu plus compromise. Mais comme il suit une procédure, il lui semble normal d’aller de plus en plus loin dans l’impasse. C’est un visionnaire. La pandémie due au coronavirus nous a fourni l’exemple d’un monde qui s’effondre graduellement, et cela à cause d’un organisme minuscule, invisible à l’œil nu. Kafka aurait adoré cette métaphore d’une société qui passe son temps en palabres mais se révèle incapable de faire face à un danger qui se propage insidieusement.
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Entretien avec Maria Rybakova : des livres aux airs de rêve
Dans Couteau tranchant pour un cœur tendre, vous racontez l’histoire d’un homme-fleuve. Pourquoi avoir souhaité raconter l’histoire d’un homme-fleuve ?
Le livre a commencé comme cela : j'avais un dialogue interne dans ma tête en allant me coucher. Je parlais encore avec un ami qui n'était pas là, c'était juste dans ma tête. Et le nom de cette personne ressemble un peu au mot « rivière » et, par accident, je n’ai pas dit son nom, mais j’ai dit « rivière » comme si je m’adressais à une personne. J'ai pensé que c'était une idée très intéressante, qu'une rivière puisse devenir une personne et qu’une personne puisse devenir une rivière. Comme si tout le monde était un flux. Pour moi, l’image de l’homme-fleuve était surtout l’incarnation de l’idée de l’inconnaissable d’autrui. Nous pensons que nous connaissons nos amis, nos relations, mais, en fait, ils peuvent s’avérer être absolument différents de ce que nous pensons d’eux. Peut-être ne sont-ils même pas humains, comme Ortiz ne l’est pas.
C’est pourtant le crime passionnel qui semble à l’origine de l’intrigue. Pourquoi faire du meurtre un moteur de l’action ?
Parce que je voulais parler du fait d’avoir le cœur brisé. Je trouve qu’un couteau dans le cœur est une bonne métaphore pour exprimer la douleur causée par l’absence d’amour. Puis plus tard, ce titre m'est venu à l'esprit : dans Couteau tranchant pour un cœur tendre, il y avait la combinaison de deux choses : l'amour et la cruauté. Cela m’est venu en même temps que l’idée d’inhumanité de l'homme-fleuve.
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Entretien entre German Solinis et Sorin Dumitrescu, auteur de Irrévocable !
Dans le cadre de l'écriture de Irrévocable ! Sorin Dumitrescu s'est entretenu avec German Solinis. Ce bel entretien fait partie intégrante du livre et en résume les principales problématiques. N'hésitez pas, pour le consulter, à le télécharger en cliquant ici.
Entretien avec Beate Sirota Gordon, héroïne de Le dernier bateau pour Yokohama de Michel Wasserman et Nassrine Azimi
Beate Sirota Gordon, l'héroïne du Dernier bateau pour Yokohama, était pionnière en toute choses. Outre émanciper en droit les femmes du Japon dans la Constitution pacifique au sortir de la Seconde guerre mondiale, elle a oeuvré toute sa vie, via les arts et la culture, à la compréhension mutuelle en tre Orient et Occident. L'entretien que nous livrons ici a été publié dans Le dernier bateau pour Yokohama. Vous pouvez le lire et le télécharger en cliquant ici.
Entretien avec Tristan Soler, auteur et illustrateur de Fjall, aux confins du monde
Vous êtes surtout aujourd’hui connu comme plasticien. Comment êtes-vous venu à l’écriture ?
Depuis petit j'ai aimé écrire et dessiner. Mon père tapait mes premiers textes avec fierté sur sa machine à écrire. J'ai conservé un tapuscrit qui arrive vers mes six ans, une description de l'ananas, le fruit. C'est émouvant de retrouver ça. Mais c'est vrai que mes études supérieures ont été consacrées aux arts plastiques, et non à la littérature. Et les expériences collectives ont été plus nombreuses en tant que plasticien. Besoin de fusions moins intellectuelles, je suppose.
À l'heure actuelle, je continue passionnément à dessiner, mais j'ai accumulé beaucoup d'œuvres qui n'ont pas de visibilité. Aussi je les laisse attendre les bons interlocuteurs, les découvreurs qui sont difficiles à rencontrer. C'est un pari sur la patience, qui dans la solitude laisse parfois face au néant, mais j'ai une confiance complète dans ce travail visuel. L'écriture est un domaine bien distinct, mais le rapport à l'abstraction, vivace dans les deux champs d'expression, suit les mêmes lois, me semble-t-il, depuis les révolutions formelles du XX° siècle. Ces deux pratiques se répondent, pour contrebalancer leurs manques spécifiques, l'immédiateté pour l'écriture, une certaine immobilité, bien qu'apparente, pour la peinture. Venir à l'écriture, c'est reconnaître la nécessité d'ordonnancer le chaos intérieur de la pensée en histoires formelles articulées, à partager dans la jouissance solitaire, si on excepte le théâtre. C'est un défi posé par la magie de la langue, qui comme on le sait aime à se jouer de nous.
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