Vous êtes surtout aujourd’hui connu comme plasticien. Comment êtes-vous venu à l’écriture ?
Depuis petit j'ai aimé écrire et dessiner. Mon père tapait mes premiers textes avec fierté sur sa machine à écrire. J'ai conservé un tapuscrit qui arrive vers mes six ans, une description de l'ananas, le fruit. C'est émouvant de retrouver ça. Mais c'est vrai que mes études supérieures ont été consacrées aux arts plastiques, et non à la littérature. Et les expériences collectives ont été plus nombreuses en tant que plasticien. Besoin de fusions moins intellectuelles, je suppose.
À l'heure actuelle, je continue passionnément à dessiner, mais j'ai accumulé beaucoup d'œuvres qui n'ont pas de visibilité. Aussi je les laisse attendre les bons interlocuteurs, les découvreurs qui sont difficiles à rencontrer. C'est un pari sur la patience, qui dans la solitude laisse parfois face au néant, mais j'ai une confiance complète dans ce travail visuel. L'écriture est un domaine bien distinct, mais le rapport à l'abstraction, vivace dans les deux champs d'expression, suit les mêmes lois, me semble-t-il, depuis les révolutions formelles du XX° siècle. Ces deux pratiques se répondent, pour contrebalancer leurs manques spécifiques, l'immédiateté pour l'écriture, une certaine immobilité, bien qu'apparente, pour la peinture. Venir à l'écriture, c'est reconnaître la nécessité d'ordonnancer le chaos intérieur de la pensée en histoires formelles articulées, à partager dans la jouissance solitaire, si on excepte le théâtre. C'est un défi posé par la magie de la langue, qui comme on le sait aime à se jouer de nous.
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Vous n’avez pas toujours écrit. Ou bien avez-vous toujours écrit ? Pourriez-vous raconter votre parcours et la manière dont vous êtes venu à l’écriture ?
J’ai commencé à écrire vers l’âge de 16 ans : de la poésie comme beaucoup d’adolescents, sauf que dans mon cas cela est devenu bientôt une nécessité vitale. J’avais besoin de mettre sur le papier ce que je pensais, ce que j’éprouvais. Vers 18 ans, j’ai écrit ma première pièce de théâtre, puis assez vite un roman. Parallèlement, j’ai appris à jouer de la guitare et écrit des chansons, ainsi que des sketches pour la télévision. A vrai dire, j’ai tâté de tous les genres, en essayant toujours d’imprimer ma marque personnelle, même si c’est le roman qui a aujourd’hui ma prédilection.
Quel est sujet de Marche ou rêve ?
Marche ou rêve raconte l’odyssée de deux Sénégalais sans-papiers en France, le pays des droits de l’homme – blanc de préférence. C’est un roman sur la quête de la liberté, mais aussi sur la difficulté de conserver sa dignité à partir du moment où on est considéré comme un citoyen de seconde zone. Ce récit mêle à la fois l’humour, qui est omniprésent dans le style plutôt original du narrateur, et la noirceur car la réalité n’est jamais drôle pour des hommes perpétuellement en fuite. Toutes les anecdotes racontées sont malheureusement authentiques.
Lire la suite : Entretien avec Luc Fivet, auteur de Marche ou rêve
Les esprits moldaves voyagent-ils toujours en bus vers l'Ukraine ? Une petite comédie européenne ?
Virginie Symaniec — Vous venez de publier un livre au titre à la fois original et surprenant : Les esprits moldaves voyagent-ils toujours en bus vers l'Ukraine ? illustré par Elza Lacotte aux éditions Le Ver à soie. Il s'agit de votre première nouvelle publiée en français. Bien que née en France et d'expression francophone, vous avez d'abord publié des récits comiques traduits en russe dans la revue Monologue à Minsk, en Biélorussie. Dans votre présentation biographique, vous vous décrivez comme « chômeuse indépendante », poste que vous dites avoir obtenu après de longues études en sciences humaines et sociales. Vous êtes totalement inconnue dans le monde littéraire francophone. Alors, d'où vient Vala L. Volkina ?
Lire la suite : Entretien : Vala L. Volkina répond aux questions de Virginie Symaniec