Publié avec le soutien du Centre national du livre, le concours de la Région Île de France et en association avec la compagnie inExtremis
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Désordres d'Einar Schleef, recueil de huit récits d’un exilé de la RDA, enfermé à Berlin, face à son mur intérieur et à son passé emmuré, traduits de l'allemand par Marie-Luce Bonfanti et Crista Mittelsteiner.

Préface de Elfriede Jelinek
© Illustration de couverture: ADAGP, Paris 2014, Einar Schleef, Selbst in Bademantel (Autoportrait en peignoir), années 1980.

Genre : recueil de nouvelles
ISBN : 979-10-92364-13-2
Format : 14 x 18 cm
Disponible depuis le 5 décembre 2014
Prix du livre : 15 euros


Oublier. Quand j'écris là j'y arrive, maux de tête à cause du martèlement, là je ne dois pas penser, là martèlent les tempes. Je cours jusqu'au métro, roule Porte de Kottbuss et fonce jusqu'au Mur. En vis-à-vis lumière et eau. Là je reprends mon calme, vois le poste frontière, lui moi, je fais demi-tour vers la maison. Souvent je me représente cela, qu'il tire, je ressens le tir en moi, la tempe s'ouvre, mon sang se répand sur la poitrine, je bascule en moi-même. Sable dans la bouche je tombe de côté. Un petit pas de trop suffit pour cela, bienvenue.

Il n'y a eu que deux génies en Allemagne après la guerre, à l'Ouest Fassbinder, à l'Est Schleef. Tous deux étaient insatiables, mais seulement pour pouvoir donner d'autant plus. À la fin, ils se sont donnés eux-mêmes.

Elfriede Jelinek, 2001

Einar Schleef appartient aux quelques êtres humains qu'il m'arrive d'envier.
Ses travaux dans les divers domaines de l'art font toujours sauter le cadre et, dans tous les cas, mettent l'art – où ce que l'on entend sous ce terme – en question. Ils appartiennent à la matière dont sont faits les rêves du siècle, ses cauchemars aussi. (...) La première qualité de sa littérature est la renaissance du conteur dans l'esprit de la langue – qui est d'abord le parler, un affront contre la « littérature », contre l'écriture. Il sait avec Kafka que l'art est une affaire du peuple. Parmi les morts, c'est Kleist qui lui est le plus proche – un poète sans peuple.

Heiner Müller

Einar Schleef, disparu à 57 ans en 2001, était un artiste culte en Allemagne : ses talents d'auteur, de peintre, de metteur en scène, de scénographe, voire de photographe, ont marqué tant la scène théâtrale que la littérature allemandes. Homme de théâtre avant tout, mais également auteur, peintre et photographe, ce créateur – figure majeure et déjà mythique de la scène artistique allemande au cours de ces trente dernières années – demeure encore peu connu au-delà des frontières germanophones.

Einar Schleef est né en 1944 à Sangerhausen, en Thuringe, dans l'ancienne R.D.A.. Après des études à l'Académie des Beaux-Arts à Berlin, il travaille d'abord comme scénographe puis comme metteur en scène au Berliner Ensemble, alors sous la direction de Ruth Berghaus. En 1976, lors de la mise en scène de Château Wetterstein de Frank Wedekind pour le Berliner Ensemble, en coproduction avec et au Burgtheater de Vienne, il refuse de rentrer à Berlin.

Schleef vit d'abord chez des amis à Vienne, Francfort, Stuttgart. Finalement, il s'installe à Berlin-Ouest. A partir de 1985, il vit pendant plusieurs années à Francfort où ses mises en scène de Mères d'après Euripide et Eschyle, d'Avant le lever du soleil de Gerhart Hauptmann et du Urgötz de Goethe, entre autres, font scandale – et le rendent célèbre. En 1993, il retourne au Berliner Ensemble pour y monter Wessies à Weimar de Rolf Hochhuth, puis Maître Puntila de Bertolt Brecht. Une mise en scène qui fera date.

Après avoir créé Sportstück d'Elfriede Jelinek au Burgtheater à Vienne, il meurt le 21 juillet 2001 à Berlin, avant d'avoir achevé sa mise en scène de Macht nichts. Eine kleine Trilogie des Todes (Ça fait rien. Une petite trilogie de la mort), d'Elfriede Jelinek.

« Là-bas, le Mur autour de tous. Ici, le mur dans la tête de chacun. »

Lorsque, en 1976, Einar Schleef décide de ne pas rentrer en RDA au cours d'une mise en scène de Le Château de Wetterstein de Frank Wedekind qu'il répète avec son complice B. K. Tragelehn pour le Berliner Ensemble – et qui a lieu en coproduction avec et au Burgtheater de Vienne – il pense, contrat en poche, pouvoir continuer à travailler dorénavant pour et avec cette grande institution autrichienne. Mais le Berliner Ensemble exerce des pressions et, jusqu'à son engagement comme metteur en scène au Théâtre de Francfort neuf ans plus tard, Einar Schleef traverse un long passage à vide. Perdu, en errance perpétuelle, il tombe en dépression. En 1977, il note dans son journal : « Là-bas, le Mur autour de tous. Ici, le mur dans la tête de chacun. »

Cependant et malgré un quotidien éprouvant et l'échec de multiples projets artistiques, Einar Schleef se jette dans un travail intense et solitaire : il se consacre à la photographie, à la peinture et à l'écriture – notamment à la composition du roman épique monumental qu'il a dédié à sa mère, Gertrud, ainsi qu'aux récits présentés ici sous le titre Désordre, parus en Allemagne en 1982. Pour le récit Place Wittenberg, qui fait partie de ce recueil, Einar Schleef reçoit le 3e prix du très renommé Ingeborg-Bachmann-Wettbewerb en 1982.

Autres prix littéraires :

1989 Prix Alfred Döblin
1995 Prix dramatique de Mülheim
Elu « Auteur de l'année » par la revue Theater Heute en 1995
1998 Prix littéraire de Brême
2001 Prix Else Lasker-Schüler

La publication de Désordre par Le Ver à soie sera suivie par celle de Gertrud, monologue pour choeur de femmes, autre texte majeur de Schleef inédit en français.

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