Juliette Keating – Comment êtes-vous venue à l’écriture ?
Ariane Costa - Mon parcours de vie a été assez erratique mais mon parcours dans l’écriture est constant depuis que je suis adolescente, voire avant. Je n’ai pas commencé à écrire dans un but précis sinon pour décharger toute la colère que j’avais en moi, la souffrance. À l’époque, je n’aurais pas su le dire comme cela. J’écrivais de la poésie, ce que je pensais être des chansons. Ensuite, une professeure de français a proposé à la classe d’écrire une histoire inventée sur un thème qu’on choisissait et j’ai écrit ma première histoire. Cette professeure m’a dit que j’avais un univers magnifique, elle m’a encouragée à continuer. Depuis, l’écriture ne m’a jamais lâchée. J’ai écrit des poèmes surtout, beaucoup d’histoires commencées et jamais terminées. Je poursuis aussi l’écriture de mon journal, mais dans les sensations, les émotions. L’écriture a toujours fait partie de moi.
Juliette Keating – C’est une écriture liée aux émotions, donc ancrée dans le présent ?
Ariane Costa - Ancrée dans le présent, oui, mais avec des éléments qui permettent la compréhension du passé. C’est un aller-retour entre passé et présent, sans toujours vraiment m’en rendre compte. J’écris dans l’émotion, dans la compréhension du moi, mais il ne s’agit pas de psychanalyse. C’est plutôt de la poésie, du conte. J’utilise beaucoup le conte.
Juliette Keating – Comment expliquez-vous votre choix de la forme contée ?
Ariane Costa - J’ai découvert le conte tardivement, lors d’une formation avec un conteur qui était très centré sur le conte ouvrier. Ça a été pour moi une révélation. La forme du conte permet d’expliquer plein de choses, l’univers, le soi, les autres, tout en se situant dans l’imaginaire. Et un conteur a toujours raison ! C’est aussi ce qui m’a plu. En découvrant le conte, j’ai découvert le partage. Il n’y a pas d’un côté le conteur qui raconte une histoire et de l’autre le public qui n’a qu’à l’écouter. J’ai donc commencé à écrire mes propres contes dans une intention de partage : qu’est-ce que je peux apporter avec mes contes ? Comment puis-je soulever la discussion ? J’ai d’abord écrit des contes pour les résidents et résidentes des maisons de retraites. C’était à la campagne, donc un public d’ouvriers et d’agriculteurs. J’écoutais ce qu’ils me racontaient, leur jeunesse, leur vie, leurs histoires et je les écrivais sous la forme de contes, ensuite on en parlait ensemble. Avec la poésie, le conte est mon genre de prédilection.
Juliette Keating – Le conte explicatif, comme Le papillon et la lune, éclaire la réalité de manière poétique quand aujourd’hui on privilégie l’explication scientifique. Le poétique aurait-il plus de sens ?
Ariane Costa - J’ai un côté très cartésien, j’aime la science, j’aime m’informer de manière scientifique, tout ce qui est physique quantique me passionne même si je ne comprends pas tout. Mais en dehors de cela, j’aime qu’il existe un monde des idées où chacun peut expliquer les choses à sa façon et avoir raison. Ça ne veut pas dire qu’on enlève la science, mais qu’on offre la possibilité de créer le monde autrement.
Juliette Keating – Le Papillon et la lune, est aussi un récit de découverte de soi et d’apprentissage.
Ariane Costa - Je fais partie de ces personnes qui pensent que le but du voyage n’est pas l’objectif, mais le voyage en lui-même. J’ai voulu transmettre cette vision des choses à mon fils quand je lui racontais l’histoire du petit papillon, le soir. Avoir un objectif, c’est bien, mais il ne faut pas trop se focaliser dessus, on doit s’ouvrir à tout ce que l’on voit sur le chemin, parce que c’est cela qui est formateur.
Juliette Keating – Vous acceptez donc que le conte ait une dimension morale ?
Ariane Costa - Oui, je suis assez vieux jeu, j’aime les contes qui apportent une valeur morale, les fables aussi. J’ai gardé cette vision du conte tel qu’on le racontait dans les veillées. Pas moralisateur, mais qui offre une morale.
Juliette Keating – Comment vous est venue l’idée de ce conte, Le Papillon et la lune ?
Ariane Costa - Quand mon fils était petit, nous le couchions en lui lisant un livre, mais une fois la lumière éteinte, il fallait lui inventer une « histoire du marchand de sable ». Je l’ai proposée un soir, et c’est devenu un rituel, toute la famille s’est prêtée au jeu. L’histoire du Papillon et la lune, j’ai eu envie de l’écrire, parce qu’elle me plaisait et que mon fils me posait des questions. Je l’ai donc mise par écrit.
Juliette Keating – Le thème de la nature est présent dans ce conte, comment s’inscrit-il dans votre écriture ?
Ariane Costa - Je me sers de la nature comme d’un support, comme une métaphore pour décrire des états d’esprit. Ce thème est omniprésent, surtout le motif de la lune. J’entretiens un lien fort avec les rythmes lunaires. Dans ce conte, j’ai laissé la première place au petit papillon, mais l’image de la lune est présente dans beaucoup de mes histoires de la même manière que la lune est omniprésente dans le ciel.
Juliette Keating – C’est le voyage et la rencontre avec la Dame de la lune qui permet au petit papillon de devenir lui-même. Elle a un rôle fondamental.
Ariane Costa - C’est un reflet de ma propre histoire. J’ai eu une jeunesse erratique. Quand j’ai découvert des savoirs physiques sur l’univers, sur la lune, sur le rythme imposé, sur les lois de la nature, j’ai enfin pu me poser, arrêter de courir dans tous les sens. J’y ai vu une part de spiritualité. On peut dire que c’est un voyage que j’ai accompli moi aussi jusqu’à la lune et qui m’a permis également de revenir auprès de ma famille en ayant confiance en moi, plus forte aussi.
Juliette Keating – Le personnage de la grand-mère, quelle fonction lui attribuez-vous ?
Ariane Costa - La grand-mère a été une surprise pour moi. Elle n’est pas apparue d’abord, mais plus tard, dans un exercice d’écriture automatique. Pour chacun de mes écrits, je m’autorise un temps d’écriture automatique. Parfois, on se connecte au monde des idées et les choses viennent. Il a fallu que je fasse un travail sur moi pour comprendre pourquoi le personnage de la grand-mère était si important. Les parents sont là pour éduquer, les grands-parents pour transmettre, même si ce ne sont pas les grands parents de sang. La mamie est la seule qui encourage le petit papillon, parce que les contraintes de l’éducation comme les craintes que les parents peuvent avoir concernant leur enfant se font moins sentir, ou autrement. La grand-mère accompagne les désirs du petit papillon, lui donne sa force. C’est une formatrice de la vie que j’aurais sans doute eu besoin d’avoir étant enfant. Que j’ai ressenti, en fait, de la part de ma mère et ma belle-mère devenue grand-mère. Ce sont elles d'ailleurs qui ont inspiré le personnage de Maminou. Un mélange entre ces deux figures si importantes dans la vie de mes enfants !
Juliette Keating – Vous êtes publiée par les éditions Le Ver à Soie, comment s’est faite la rencontre avec cette maison ?
Ariane Costa - Ma première rencontre avec la maison d’édition s’est faite à la bibliothèque de Belin-Béliet. J’ai trouvé les livres du Ver à Soie magnifiques. J’ai envoyé mon texte à Virginie Symaniec, parce que j’adorais sa maison d’édition, son univers particulier. Je le lui ai envoyé en me disant que ce n’était même pas la peine d’y compter. Finalement, ça s’est fait !
Juliette Keating – Le Papillon et la lune est un livre jeunesse illustré. Qu’en est-il de votre rapport à l’image, aux illustrations ?
Ariane Costa - J’avais la vision d’un livre comportant très peu d’illustrations. Dans la description de la Dame de la lune, quand le petit papillon découvre que le paysage lunaire provient de sa chevelure, je voyais assez bien le dessin d’une seule ligne traçant tout le décor. Mais c’est tout. Je craignais d’être déçue par les illustrations, puisque j’avais imaginé mon propre monde auquel j’étais attachée. Quand j’ai découvert le livre imprimé, je ne m’attendais pas du tout à ces grands aplats de couleur, j’ai été très agréablement surprise. Les illustrations de Blandine Imberty lui donnent une force, grâce à leur complémentarité avec mon texte. J’aime sa représentation du petit papillon, on le voit sans vraiment le voir parce que c’est une forme abstraite, comme une tâche floue en mouvement, c’est exactement à ça que je pensais. J’étais très satisfaite de découvrir qu’on était pleinement en phase Blandine et moi.
Propos recueillis par Juliette Keating
Juliette Keating – Nous sommes ici dans ton atelier situé à Montmartre.
Blandine Imberty – C’est mon lieu de travail, j’y viens quotidiennement de 8h30 à 18h ou 19h. Je crois et j’ai besoin de ce travail assidu et régulier. C’est un atelier équipé pour la sérigraphie. Dans ce lieu, je réfléchis, je cherche et je produis des estampes d’art, c’est-à-dire des multiples ainsi que de la papeterie en série limitée. Ma marque de papeterie s’appelle Carnet Chouette et mon atelier : Atelier Carnet Chouette. Ce lieu est aussi un lieu de partage et de transmission, où je reçois des artistes amateurs ou professionnels qui souhaitent pratiquer la sérigraphie.
Ma cousine m’a présenté Virginie Symaniec. J’ai aimé sa détermination, son engagement et ses démarches pour faire exister sa maison d’édition. Nous avons eu rapidement envie de travailler ensemble. Virginie Symaniec expose ses poèmes à planter dans mon atelier ; de son côté, elle propose ma papeterie sur les marchés. Je lui ai soumis mon rêve d’illustrer un jour un livre. Elle a gardé cette idée en tête et cette idée a germé.
Juliette Keating – Tu crées et produis des estampes, quelle différence fais-tu entre ce travail artistique et l’illustration ?
Blandine Imberty – Illustrer, j’en rêve depuis vingt ans. Quand mes enfants étaient petits, je me suis intéressée aux livres jeunesse et j’ai fait quelques illustrations pour eux. L’envie d’illustrer m’est restée. Pour moi, les deux activités sont très différentes. L’illustration accompagne un texte, c’est très narratif. L’œuvre d’art qu’on accroche au mur c’est quelque chose de contemplatif, qui fait travailler l’imaginaire autrement et qui emmène à la réflexion.
Juliette Keating – En tant qu’ancienne élève de l’école Boulle, tu viens des Arts Appliqués. Quel cheminement t’a conduite à l’illustration ?
Rita Renoir – À l’École Boulle j’ai étudié la communication : comment concevoir des espaces de communication, de la publicité sur le lieu de vente (PLV), des présentoirs et des éléments plus complexes. J’ai travaillé pour des sociétés de communication dans l’univers cosmétique. Après une compression de personnel dans l’entreprise où j’étais salariée, je me suis mise à mon compte. Et là, c’est devenu un peu plus aventureux ! Lassée par ce milieu, j’ai eu envie de tenter autre chose. J’ai saisi une occasion de travailler dans l’édition. J’ai débuté en donnant des coups de main à une éditrice, puis son successeur a fait appel à moi et je suis devenue coordinatrice éditoriale : gestion des auteurs, du maquettiste, du correcteur, mais également gestion de la fabrication et des imprimeurs. Je réalisais de temps en temps des illustrations et quelques projets de graphisme en cas de besoin. Je faisais également beaucoup de recherche iconographique. Quand on s’occupe d’une petite maison d’édition : il faut avoir une mentalité de couteau suisse. Quand la maison d’édition s’est arrêtée, j’ai bifurqué vers l’illustration, c’est un métier qui me faisait de l'œil depuis très longtemps.
Juliette Keating – Dans ton travail d’illustratrice, tu utilises l’outil numérique. Pourquoi ce choix ?
Rita Renoir – Quand j’étais étudiante, l’outil numérique et moi, nous n’étions pas du tout copains ! Je ne dessinais qu’à la main, je faisais des peintures, des collages. J’ai découvert l’outil numérique lors de mon premier CDI où j’ai dû apprendre à dessiner sur Autocad, un logiciel d’architecture. J’ai énormément accroché et par la suite j’ai fait une formation sur d’autres logiciels de PAO et de dessin (Photoshop, Illustrator, Indesign, 3D Studio Max…). Depuis, le numérique est devenu mon outil de prédilection. Je l’aime pour sa précision et sa fluidité.Dans mon mode d’expression, je suis très attachée à la concision pour laisser des portes ouvertes à l’imagination du spectateur.
Lire la suite : Entretien avec Rita Renoir : « Dessiner comme on rêve au fil du temps »
Juliette Keating – Comment es-tu venue à l’écriture ?
Sylvie Boksenbaum – J’ai toujours, depuis l’enfance, des jaillissements de textes. Ça remonte à loin. À l’école, j’adorais les rédactions. Petite, je faisais des poèmes dédiés à ma mère, sur les abeilles, sur des thèmes enfantins, mais qui n’étaient pas liés à ma vie puisque j’étais parisienne, je n’avais pas de contact avec la campagne. C’était sans doute en relation à des rêves assez prégnants où je pars dans des voyages comme si j’étais une caméra, des rêves très visuels. Des phrases, des mots me viennent, souvent la nuit. Je suis aussi sensible à la musique des mots. Quand j’écris mes textes, je me les dis tout haut, je les façonne avec la musique des mots, avec leur rythme. Mon conte sur le zèbre a commencé comme cela.
Juliette Keating – Est-ce que l’on peut dire que c’est une inspiration d’ordre poétique ?
Sylvie Boksenbaum – Oui, c’est comme un fil qui émerge de l’inconscient et se déroule. J’écris des phrases et, à un moment, elles vont s’assembler, soit en histoire, soit en poème. J’aime beaucoup cette idée que les différentes facettes que l’on a en soi se parlent, se répondent. Ce dialogue intérieur permet l’écriture.
Juliette Keating – Ton conte a pour personnage un zèbre, pourquoi ce choix ?
Sylvie Boksenbaum – J’ai beaucoup de tendresse pour les animaux. Le zèbre, je n’avais pas d’attirance particulière mais c’est lui qui est venu à ma rencontre. Cela vient peut-être de l’expression « drôle de zèbre », du côté rêveur du personnage et épris de liberté. J’ai eu des sensations particulières la nuit au Costa Rica où les cieux sont immenses épargnés par la lumière des villes. On peut perdre ses repères et flotter dans dans l’obscurité et en même temps dans les étoiles. J’ai vraiment plongé dans les étoiles comme mon personnage. On peut voyager dans les étoiles, en quelque sorte.
Juliette Keating – Jacqueline Dérens, tu es une militante contre l’apartheid, engagée notamment auprès de Dulcie September, représentante de l’ANC (Congrès National Africain) en France jusqu’à son assassinat en 1988. Aujourd’hui tu continues d’exiger la vérité sur l’assassinat de Dulcie September, tu écris encore sur l’Afrique du sud. Et tu publies un ensemble de textes courts et de poèmes aux éditions Le Ver à Soie. As-tu toujours inscrit l’écriture dans ta vie de femme engagée ?
Jacqueline Dérens – J’ai toujours aimé écrire et beaucoup lire, ça ne m’a jamais quitté même quand j’étais militante. J’écris, je tiens un journal et, quand je pars en voyage professionnel en Afrique du Sud ou dans les Balkans, j’ai un carnet de voyage avec moi qui n’est pas mon carnet de travail. C’est un carnet de sensations, de petites choses : une grand-mère sur un marché qui était drôle, un étal magnifique comme à Belgrade, la mimique d’un chat que je ne reverrai plus, je les note et je vois après ce que j’en fais.
Juliette Keating – Comment abordes-tu l’écriture dans ces textes qui ne sont pas directement militants ?
Jacqueline Dérens – Mon écriture militante est très raisonnée, je vérifie tout ce que j’avance, j’aiguise mes crayons. L’écriture militante est une écriture du but. L’autre écriture est de cœur, de sensations, de couleurs, d’instants. Des textes courts, des poèmes, des nouvelles, j’en écris beaucoup mais je ne pensais pas les publier. Quand Virginie Symaniec m’en a fait la proposition, j’étais très contente parce que mes moments de colère ou mes moments d’admiration peuvent être partagés. Un texte est poétique parce qu’il éveille quelque chose d’immédiat qui va toucher le lecteur. C’est ce qui compte pour moi, toucher le lecteur. En vieillissant, je pense que ces moments où l’on est ému par la grâce d’un chat, par le vent qu’on sent différent – j’habite au bord de l’océan, il est très capricieux ! –, prennent toute leur importance. Je m’y retrouve entière, pas uniquement une femme de tête, une militante qui pèse ses mots, essaie de faire comprendre, de penser juste. C’est très intellectuel la poésie, mais dans un registre différent. Nous avons un cerveau mais aussi un nez pour sentir, des yeux pour voir, des émotions.
Diana Jamborova Lemay – Question pour Jana. Comment avez-vous commencé à écrire Café Hyène ?
Jana Beňová – Quand j’étais enfant, je voulais avoir un chien et je l’ai eu ce chien rêvé. Mais, c’était un chien mauvais, méchant. La vérité est qu’il n’y a pas de chiens méchants, il n’y a que de mauvais maîtres. A l’époque, j’étais enfant, alors ce n’était pas de ma faute si ce chien était méchant, il avait été élevé par des membres de ma famille. Tous ont été mordus par le chien. Nous avions peur de lui. C’est là que j’ai commencé à écrire un roman, l’histoire d’un chien que tous les enfants rêvent d’avoir. Qui serait mon bon compagnon, mon ami, avec qui je passerais pleins d’histoires amusantes et agréables. Dans mon livre Café Hyène, je mets fin à l'histoire de ce chien. Son histoire se termine au moment où le personnage principal, une femme, finalement, le tue.
Diana Jamborova Lemay – Question pour Marek. Vous avez écrit beaucoup de livres, y compris pour les enfants, qui se déroulent en Afrique. Notamment des contes, mais aussi Le Guérisseur et Noir sur Noir. Dans votre dernier roman, Six étrangers, à paraître au Ver à soie, on revient en Slovaquie. Vous vous êtes inspiré de faits réels dont personne ne se souvient, et qui se sont déroulés durant les années 1920 dans une petite ville de Slovaquie où les villageois ont massacré des Rroms. Alors j’ai envie de vous demander s’il y a une différence entre écrire dans un écrin africain et écrire en milieu slovaque.
Lorsque je suis allé pour la première fois au Cameroun en 1997, j’avais déjà publié trois livres en Slovaquie. En écrivant, j’ai compris que l’environnement exerce une grande influence sur moi. Quand je plaçais les intrigues de mes histoires en Afrique, j’avais le sentiment d’être un écrivain plus libre. Dans beaucoup d’histoires africaines, la réalité est marquée par les esprits et par les dieux. Les histoires des conteurs africains me permettent de mieux incorporer les différents plans de la réalité à la fiction. Souvent, j’écris sur des choses très triviales, très basiques. Mais lorsque j’écris une histoire du point de vue d’une personne vulnérable – comme une personne en marge de la société, un alcoolique, quelqu’un qui aurait des problèmes psychiques ou encore un enfant -, si je situe les problèmes de cette personne dans un milieu Africain, la façon dont ce milieu va agir sur les actions de ces personnages apporte des réponses inattendues. Pour ce qui concerne les trois livres que j’ai publiés en Slovaquie, les critiques étaient bonnes. Elles ont souvent dit que j’ai très bien décrit la vie des pauvres Africains, mais ce n’était pas mon but, je décrivais pratiquement mon autobiographie. Alors je suis revenu à la Slovaquie, car je voulais savoir si cela allait changer quelque chose dans mon écriture et ma façon d’aborder l’œuvre. Finalement les critiques ont dit que cela ne changeait rien et que j’écrivais de la même façon. Au fond, Le Guérisseur n’est pas un guérisseur à proprement parlé. C’est quelqu’un qui aide, qui accueille. Actuellement, j’ai des réfugiées Ukrainiennes chez moi. C’est sans doute par là qu’on retrouve le trait autobiographique. Le Guérisseur n’est pas un guérisseur traditionnel, Africain etc. C’est juste une personne connectée à la vie.
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