Née en 1968 à Maisons-Laffitte (78), Virginie Symaniec est habilitée à diriger des recherches en histoire et fondatrice des éditions Le Ver à Soie.

Dans son article consacré à l'« Industrie de la soie en Perse » (1854), Édouard Charton rapportait que les Guileks faisaient remonter aux temps bibliques l'apparition sur leur terre du ver à soie, selon eux issu d'un miracle par lequel Dieu avait décidé de récompenser les hommes qui savaient souffrir, en leur donnant cet animal qui allait répandre de nombreux bienfaits sur la terre du Guilan. Le premier couple de vers à soie serait alors sorti des plaies du prophète Ayoub, que Édouard Charton associe à la figure chrétienne de Job. La littérature du XIXème siècle fut également particulièrement friande de ce lépidoptère, car son élevage permettait, disait-on, d'améliorer les conditions de vie de ceux qui le cultivaient. Un ver à soie n'existe donc qu'en captivité et à l'heure du développement sans précédent de la société industrielle, la neuvième « Lettre parisienne » du Vicomte de Launay à Madame Émile de Girardin, datée du 6 mars 1839 (Paris, Michel Levy frères, 1862), en appelait déjà à affranchir ces malheureux que l'on faisait bouillir pour en retirer le plus beau fil qui soit. C'est dire les vertus symboliques de cet animal étrange nourri de feuilles de mûrier blanc, et dont l'une des caractéristiques est de se muer en une chrysalide après avoir su tisser un fil sans brisure. Dérouler les fils - y compris de la pensée -, les attacher au métier, les tresser, les entrelacer, tisser des liens - du texte donc -, y compris avec d'autres sociétés, explorer les trames de nos imaginaires et les raisons de nos solitudes, c'est bien là ce que font concrètement tous les éditeurs.

L'idée du Ver à Soie est née en 2005 et ce n'est peut-être au fond rien d'autre que le rêve d'un petit jardin à cultiver avec tous les outils qui m'ont été imposés pendant tant d'années par le chômage et la précarité, dans l'espoir de découvrir qu'il en existe peut-être d'autres, moins difficiles à manier. Ou bien est-ce encore un peu de temps que je peux rêver de m'accorder ? Ou une énième petite bouteille de créativité jetée dans des flots toujours tourmentés ? Je me dis que je ne dois pas être seule, qu'il y a bien d'autres "tisseurs" qui méritent d'être rencontrés.

Aujourd'hui, la porte du Ver à Soie est donc enfin ouverte. Je voudrais que l'on y trouve toujours du bon café et que cela devienne un lieu où l'on puisse prendre le temps d'inventer, d'écrire, de chercher, de traduire, de se tromper, de recommencer, pour se tromper mieux comme le suggérait Samuel Beckett. Pas trop tôt le matin, pas trop tard le soir : un refuge, ne serait-ce que symbolique, également pour ceux et celles qui seraient à la recherche d'un mûrier blanc...

Virginie Symaniec
8 mars 2013

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