Juliette Keating – Nous sommes ici dans ton atelier situé à Montmartre.

Blandine Imberty – C’est mon lieu de travail, j’y viens quotidiennement de 8h30 à 18h ou 19h. Je crois et j’ai besoin de ce travail assidu et régulier. C’est un atelier équipé pour la sérigraphie. Dans ce lieu, je réfléchis, je cherche et je produis des estampes d’art, c’est-à-dire des multiples ainsi que de la papeterie en série limitée. Ma marque de papeterie s’appelle Carnet Chouette et mon atelier : Atelier Carnet Chouette. Ce lieu est aussi un lieu de partage et de transmission, où je reçois des artistes amateurs ou professionnels qui souhaitent pratiquer la sérigraphie.
Ma cousine m’a présenté Virginie Symaniec. J’ai aimé sa détermination, son engagement et ses démarches pour faire exister sa maison d’édition. Nous avons eu rapidement envie de travailler ensemble. Virginie Symaniec expose ses poèmes à planter dans mon atelier ; de son côté, elle propose ma papeterie sur les marchés. Je lui ai soumis mon rêve d’illustrer un jour un livre. Elle a gardé cette idée en tête et cette idée a germé.

Juliette Keating – Tu crées et produis des estampes, quelle différence fais-tu entre ce travail artistique et l’illustration ?

Blandine Imberty – Illustrer, j’en rêve depuis vingt ans. Quand mes enfants étaient petits, je me suis intéressée aux livres jeunesse et j’ai fait quelques illustrations pour eux. L’envie d’illustrer m’est restée. Pour moi, les deux activités sont très différentes. L’illustration accompagne un texte, c’est très narratif. L’œuvre d’art qu’on accroche au mur c’est quelque chose de contemplatif, qui fait travailler l’imaginaire autrement et qui emmène à la réflexion.

Juliette Keating – Quand Virginie Symaniec t’a proposé d’illustrer le conte d’Ariane Costa, tu as été tout de suite d’accord ?

Blandine Imberty – Oui, oui. J’aime ce petit papillon. Et l’idée est belle d’une planète qui se colore. Au départ la planète tombe dans le noir, il n’y a plus de lumière, puis elle va vers la lumière. J’ai commencé par des croquis, par imaginer les deux personnages, le papillon et la Dame de la lune. Quand j’ai rencontré Ariane, lors du festival Popul’Eyre où nous avons présenté notre livre, elle m’a dit que l’image de la Dame de la lune était fidèle à ce qu’elle imaginait, ça m’a fait très plaisir.

Juliette Keating – Comment travailles-tu ?

Blandine Imberty – Je cherche des formes à l’encre de Chine ou en découpant du papier. C’est le geste qui m’amène au dessin, je laisse aller le geste de la main. Je reste attentive à l’instant, comme spectatrice du geste. J’ai essayé de suggérer une forme, une idée, un univers laissant place à l’imaginaire. Je pense ensuite aux couleurs, je mets en couleur par l’intermédiaire de la sérigraphie. Je fais des recherches de couleurs en créant nuanciers.

Juliette Keating – Comment as-tu travaillé par rapport au texte de Ariane Costa ?

Blandine Imberty – J’ai découpé le texte et j’ai souligné les phrases qui me parlaient le plus. J’ai commencé par la Dame de la lune. J’ai adoré l’aspect laiteux de la Dame de la lune, le blanc mais aussi la chevelure. J’étais dans une période où je faisais des dessins au trait, des traits parallèles au stylo plume, à l’infini et d’ailleurs il y a une histoire d’infini dans la Dame de la lune avec sa chevelure qui rejoint le paysage et tout se mélange. J’ai aussi voulu que la nuit bouge, comme les nuages, un ciel mouvant. Ce qui a inspiré, ces planches sur la nuit c’est la cartographie. Je collectionne les cartes routières ou marines elles m’inspirent beaucoup, la nature également.

Juliette Keating – Au départ il y a le blanc et l’absence de couleur, le noir avec la disparition de la lune. Comment arrive-t-on à un livre si coloré ?

Blandine Imberty – J’ai aimé cette progression dans les pages, du néant, du noir, au blanc, à la lumière et à la couleur. J’utilise la couleur, mais par association, deux ou trois. Je vois les couleurs une par une, puis je les confronte. J’aime travailler avec une économie de moyens, l’important pour moi étant que ce soit fort et lumineux. La lumière compte aussi beaucoup. Je travaille avec le blanc du papier, ce qui se passe autour. Avec seulement deux couleurs, en les superposant, on peut obtenir une troisième couleur en sérigraphie. Quand on imprime, il y a toujours un effet de surprise, c’est un travail empirique, on ne peut rien prévoir précisément. C’est ce que j’aime. Ce qui différencie la sérigraphie d’une impression numérique, c’est qu’elle permet d’obtenir des couleurs intenses et qu’au toucher, nous pouvons sentir le relief de l’impression.

Juliette Keating – Tu as donc sérigraphié tes illustrations ?

Blandine Imberty – Oui les planches originales sont réalisées avec la technique de la sérigraphie. Je prépare mon dessin au pinceau et à l’encre de Chine, je l’imprime sur un papier calque qu’on appelle un typon. Ce typon est la matrice qui va me servir de pochoir et que je vais pouvoir reproduire autant de fois que je veux. Je ne fais jamais exactement la même chose, je varie les couleurs, les superpositions, les décalages. L’image bouge grâce à ce système de pochoirs. C’est un processus long avant d’arriver à l’impression finale. J’ai fait beaucoup de variantes pour chercher le bon bleu. Le petit papillon est rouge, il a été dessiné par découpage comme les papiers découpés de Matisse (il dessinait avec ses ciseaux). Le petit papillon est vif, il a une forme angulaire alors que les papillons adultes sont plus ronds, ils ont été dessiné avec l’encre de chine qui coule et cette forme se répend davantage.

Certaines planches ont demandé six ou sept passages en sérigraphie. Ce que j’aime bien, c’est donner l’impression que le dessin bouge. Et puis j’ai essayé des papiers, j’ai changé pour un papier plus blanc. Ensuite je scanne.

Je suis contente de la réalisation du livre, l’impression est très juste au niveau des couleurs. Je souhaiterais vivement exposer les planches originales lors d’une prochaine présentation du livre. Nous cherchons avec Virginie des librairies qui permettraient cela.

Juliette Keating – Comment as-tu participé à la mise en page ?

Blandine Imberty – La mise en page a été faite par Virginie Symaniec. Les pages de couleur sont son idée. Elles permettent des respirations dans la lecture. Son idée aussi a été de coller des papillons découpés. Nous avons travaillé ensemble dans son atelier, dans son jardin, pour discuter de certaines propositions. C’est une éditrice qui aime mettre sa touche dans le livre, par la mise en page, elle aime faire des propositions auxquelles je n’aurais pas pensé. C’était intéressant parce qu’il y a eu des surprises très agréables.
Je suis heureuse du résultat et de cette aventure.
Je remercie Virginie d’avoir cru en Ariane l’autrice et moi, d’avoir réussi une rencontre de nos univers et nous avoir fait confiance.

Propos recueillis par Juliette Keating

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