Juliette Keating - Comment es-tu devenue illustratrice ?

Elza Lacotte - J’ai toujours voulu faire ça. J’ai commencé par un baccalauréat d’arts appliqués, puis j’ai fait les Beaux-Arts de Rennes, et j’ai terminé ma formation aux Beaux-Arts de Poitiers-Angoulême pour me spécialiser dans l’illustration et dans l’édition. C’était le livre qui m’intéressait, faire des livres. À Clermont-Ferrant, pas loin de chez moi, il y a chaque année le Rendez-vous international du carnet de voyage. J’ai toujours apprécié de m’y rendre, ça me passionnait. L’illustration est venue avec. Aujourd’hui l’essentiel de mon travail est la création graphique, je crée des visuels pour des festivals, des événements culturels, je travaille aussi en cartographie et avec des écoles pour lesquelles je fais des fresques.

Juliette Keating - Tu as travaillé souvent en sérigraphie n’est-ce pas ?

Elza Lacotte - J’ai fait longtemps de la sérigraphie dans le but d’imprimer mes propres livres, mes posters, d’être autonome. Quand avec Danka Hojcusova nous avons voyagé dans les Balkans, nous avions le projet de faire de la sérigraphie itinérante. Nous transportions partout avec nous un atelier mobile. Aujourd’hui je suis plutôt tournée vers la gravure.

 

Juliette Keating - Ton travail pour les éditions Le Ver à Soie est donc dans la suite logique de tes intérêts. Comment a commencé votre collaboration ?

Elza Lacotte - J’ai rencontré Virginie Symaniec à la Maison d’Europe et d’Orient à Paris. Je revenais de ce voyage à travers les Balkans pendant lequel nous avions fait des petits livres, des posters que Virginie a vu. Je crois que ça lui a plu. Après, elle est venue nous voir quand nous étions en résidence d’artistes à Dunkerque. C’était à l’époque où elle montait sa maison d’édition. Notre collaboration a commencé comme cela et elle dure encore, plus de dix ans après. Pour notre premier livre ensemble, Mon cousin Hugo de Coco des Amériques je lui ai proposé un format vertical un peu étroit pour changer des livres jeunesse au format paysage, très étalé, qu’on voit d’habitude. Ce format est resté, et aussi peut-être mon goût pour les couleurs vives, c’est un peu l’image de marque de la collection jeunesse du Ver à Soie.

Juliette Keating - Pour la jeunesse, tu as illustré Mon cousin Hugo de Coco des Amériques, Le Petit arbre Plume. Bien loin de chez soi de Pascale Graciet, La Déesse des vers à soie, conte traditionnel chinois sur l'exil et, pour le catalogue adulte, Mamou d'Angi Maté, Les Esprits moldaves voyagent-ils toujours en bus à travers l’Ukraine ? de Vala L. Volkina, Le dernier bateau pour Yokohama de Michel Wasserman et Nassrine Azimi, et Espars de Sébastien Cagnoli. Quelles techniques as-tu utilisées ?

Elza Lacotte - J’aime utiliser des styles différents selon ce que je vais illustrer. Je cherche à m’adapter à chaque fois au projet. Les illustrations de Mon cousin Hugo sont des dessins au trait, scannés puis mis en couleur avec une colorisation numérique. J’avais envie d’avoir des paysages avec plein de couleurs. Pour Les Esprits moldaves, j’ai utilisé les feutres. Je suis en train d’illustrer Moralès de Jérôme Villedieu qui va paraître à la rentrée. J’ai délaissé le trait fin pour partir au contraire sur de l’épais, une sorte de feutre-pinceau japonais. Ce livre paraîtra dans la même collection de poésie illustrée qu'Espars de Sébastien Cagnoli qui a reçu le prix poésie Méditerranée en 2023. Pour Espars, j’ai travaillé à l’encre avec des traits très fins. Pour Moralès qui est une autre forme de poésie, comme un carnet de notes qui nous emmène dans des atmosphères différentes, j’ai envie de quelque chose de plus abstrait, à l’encre délavée.

Juliette Keating - Comment abordes-tu le texte des auteurs et des autrices que tu vas illustrer ?

Elza Lacotte - Quand je reçois le texte, je le lis une première fois en entier, sans prendre de notes. Puis je le relis et j’essaye d’être pragmatique. J’estime le nombre d’illustrations à réaliser en fonction de la quantité de pages et je cherche, dans la page à illustrer, ce qui me plaît, ce qui m’intéresse. Pour les livres jeunesse, il faut une illustration par page. Pour la poésie, il n’y a pas à suivre la narration, je suis donc plus libre. Une fois que j’ai réalisé une dizaine de grandes illustrations en croquis, crayonnées sur un papier au format du livre, je m’occupe des plus petites qui s’intercaleront entre les grandes. Je vérifie la cohérence d’ensemble, il faut que le tout soit homogène sans redondance. Après, je reprends chaque illustration, je précise les contours au feutre fin, puis je passe à l’encre. À la fin je scanne pour l’impression en m’assurant que les illustrations s’intègrent à la mise en page. Avec Virginie Symaniec, je suis libre de faire ce que je veux, c’est un grand luxe de pouvoir travailler en confiance.

Juliette Keating - Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Elza Lacotte - J’ai beaucoup de livres, des bouquins que j’aime et que je laisse traîner, qui peuvent m’inspirer pour tel ou tel projet. Je me documente aussi. Par exemple pour La Déesse des vers à soie, j’ai travaillé en noir et blanc avec un traité pas tout à fait calligraphique mais en y pensant, j’ai regardé des paysages, des photos en rapport avec le texte. Pour Espars, j’étais ravie parce que l’univers maritime m’inspire beaucoup. J’ai regardé des navires, les cordages, les voiles, les mâts, je me suis documentée sur la navigation, sur les cartes anciennes. Et comme je fais les brocantes, j’ai de nombreux objets à la maison, comme des bateaux, des objets que j’utilise pour dessiner. Quelquefois, les textes que Virginie me propose me conduisent à faire des recherches sur des domaines que je ne connais pas du tout, ça me permet de sortir des images intéressantes en me tirant ailleurs que dans ma zone habituelle de travail.

Juliette Keating - Et pour Le Petit arbre plume. Bien loin de chez soi de Pascale Graciet comment as-tu procédé ?

Elza Lacotte - À l’époque, je vivais dans un village et juste au bout de ma rue, il y avait une forêt. J’ai fait ce livre en été, et je l’ai dessiné entièrement dehors, dans la forêt. C’était si bien ! J’étais au frais avec ma pochette à dessins, j’avais des modèles partout ! Y compris des salamandres.

Juliette Keating - Quels sont tes projets à venir ?

Elza Lacotte - Je travaille actuellement sur deux livres pour Le Ver à Soie. Sinon, avec une collègue, nous sommes en train de monter une petite maison d’édition. Nous avons envie d’éditer nos livres nous-mêmes. L’enjeu n’est pas d’en vivre mais d’être libre de créer nos propres livres. Mais on ne sait pas, cela nous emmènera peut-être plus loin qu’on ne le pense !

Propos reccueillis par Juliette Keating

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