Juliette Keating – Comment es-tu venue à l’écriture ?

Sylvie Boksenbaum – J’ai toujours, depuis l’enfance, des jaillissements de textes. Ça remonte à loin. À l’école, j’adorais les rédactions. Petite, je faisais des poèmes dédiés à ma mère, sur les abeilles, sur des thèmes enfantins, mais qui n’étaient pas liés à ma vie puisque j’étais parisienne, je n’avais pas de contact avec la campagne. C’était sans doute en relation à des rêves assez prégnants où je pars dans des voyages comme si j’étais une caméra, des rêves très visuels. Des phrases, des mots me viennent, souvent la nuit. Je suis aussi sensible à la musique des mots. Quand j’écris mes textes, je me les dis tout haut, je les façonne avec la musique des mots, avec leur rythme. Mon conte sur le zèbre a commencé comme cela.

Juliette Keating – Est-ce que l’on peut dire que c’est une inspiration d’ordre poétique ?

Sylvie Boksenbaum – Oui, c’est comme un fil qui émerge de l’inconscient et se déroule. J’écris des phrases et, à un moment, elles vont s’assembler, soit en histoire, soit en poème. J’aime beaucoup cette idée que les différentes facettes que l’on a en soi se parlent, se répondent. Ce dialogue intérieur permet l’écriture.

Juliette Keating – Ton conte a pour personnage un zèbre, pourquoi ce choix ?

Sylvie Boksenbaum – J’ai beaucoup de tendresse pour les animaux. Le zèbre, je n’avais pas d’attirance particulière mais c’est lui qui est venu à ma rencontre. Cela vient peut-être de l’expression « drôle de zèbre », du côté rêveur du personnage et épris de liberté. J’ai eu des sensations particulières la nuit au Costa Rica où les cieux sont immenses épargnés par la lumière des villes. On peut perdre ses repères et flotter dans dans l’obscurité et en même temps dans les étoiles. J’ai vraiment plongé dans les étoiles comme mon personnage. On peut voyager dans les étoiles, en quelque sorte.

Juliette Keating – Tu es attachée à la forme du conte ?

Sylvie Boksenbaum – J’aime les livres pour les enfants, qui nourrissent mon enfant intérieur et me permettent de retrouver une beauté mais aussi une simplicité. J’avais envie de recontacter cette innocence, la liberté joyeuse d’une histoire pas seulement pour les enfants mais pour les grands enfants que nous sommes. Mes textes ont une fibre spirituelle, beaucoup plus qu’intellectuelle, c’est-à-dire une ouverture à plus grand que soi, qui nous guide, nous nourrit. Je ne l’ai pas écrit pour les enfants mais pout toute personne qui peut s’identifier au zèbre ou à la zébresse.

Juliette Keating – Le thème de l’amour est important dans ton texte. Comment l’expliques-tu ?

Sylvie Boksenbaum – Ça me ressemble assez. L’amour je l’ai pensé longtemps avec un grand A, passionné. Les années de jeunesse passées, je le vis en lien avec une source spirituelle à travers l’autre, la nature, le vivant. C’est un élan qui va jusqu’à l’idée qu’on peut rejoindre la lumière. Il y a l’amour humain que les deux personnages vivent au fil du conte et il y a aussi cet amour bien plus grand que soi qui est présent avec la métaphore du ciel et des étoiles. L’étoile qui brille plus que les autres est son étoile à lui, comme si l’on avait chacun une étoile destinée à éclairer sa route et le sens de sa vie. La sagesse de Zèbre, c’est de se laisser guider jusque dans les yeux de la zébresse pour trouver la plénitude partagée sur terre. Pour son amoureuse, c’est la découverte fabuleuse d’une autre dimension.

Juliette Keating – C’est un accès à autre forme de réalité ?

Sylvie Boksenbaum – Je suis très sensible à ce qui est invisible, à ce qui n’est pas immédiatement en évidence. Je me suis beaucoup intéressée à la psychologie qui a été mon bâton de marche pendant longtemps, une clé après une enfance que j’ai mal vécue. Ça me correspondait de fouiller ces états d’être, ces parties de nous qu’on devine et qu’on apprend à connaître par le travail thérapeutique. Par la suite, je me suis intéressée à d’autres pratiques plus holistiques et à d’autres domaines de connaissances.

Juliette Keating – Le zèbre renonce à son voyage dans les étoiles, comment vit-il cette renonciation ?

Sylvie Boksenbaum – Lorsqu’on s’ouvre à nos rêves, à ce pourquoi on est là, à ce pourquoi on est né, nos rêves viennent à notre rencontre par synchronicité. Le zèbre ne renonce pas, mais prend conscience qu’il habite la terre. Il y a cette rencontre avec la zébresse, qui le bouleverse parce qu’elle est du côté jouissif de la vie sur terre, ce côté qui lui manque certainement. La zébresse lui ouvre d’autres possibilités tout en lui apportant l’amour terrestre dans la vie réelle. Ce qu’il expérimente est de l’ordre de l’acceptation et de la découverte heureuse plutôt que d’un renoncement.

Juliette Keating – Mais la pluie d’étoiles filantes vient le rechercher de temps en temps...

Sylvie Boksenbaum – Oui, parce qu’il ne faut jamais oublier son guide. Le zèbre ne perd pas ses rêves, il ne veut plus partir dans les étoiles mais devenir danseur étoile, c’est de l’ordre de la matière, du corps. L’amour de la zébresse lui apprend qu’il aime la terre même s’il est aussi une étoile. Il ne faut pas faire abstraction des différentes facettes de soi. Les étoiles embrasent son imagination et son étoile va le guider dans ses projets sur terre.

Juliette Keating – C’était la conscience de son incomplétude qui le rendait insomniaque ?

Sylvie Boksenbaum – Le zèbre se sentait un peu décalé par rapport à la vie sur terre, on pourrait le qualifier d’hypersensible. La rencontre avec la zébresse, l’amour qu’elle lui porte, lui permet d’être pleinement lui-même, un zèbre et pas une étoile. Au milieu du conte, le zèbre lui fait découvrir la nuit qu’elle ne connaissait pas parce qu’elle dort. Lui, il voit les étoiles dans les yeux de la zébresse. Ce qu’on voit en haut, on peut le trouver sur terre comme si cela s’incarnait dans l’autre. C’est un conte initiatique comme le sont tous les contes, un voyage ou on apprend des choses. C’est réjouissant et nourrissant, chacun peut s’approprier le conte à différents niveaux.

Juliette Keating – Quand tu as écrit ce texte, pensais-tu à une publication illustrée ?

Sylvie Boksenbaum – C’est une histoire qui comporte beaucoup d’images, qui serait un beau fil conducteur pour un film d’animation. J’ai proposé à Virginie Symaniec de lire mes textes, juste pour avoir son avis. Quelques jours plus tard, elle m’a demandé si j’accepterais qu’elle m’édite et c’était une grande surprise et un ravissement pour moi. Très rapidement elle a pensé à une illustratrice. Mais je n’ai pas vu les dessins de Rita Renoir avant la publication. Ses illustrations sont étonnantes, tellement collées au texte. Elle a bien embarqué mon conte dans son propre univers. Le zèbre a beaucoup d’imagination et grâce aux images de Rita qui suivent parfaitement le texte, il ouvre le lecteur à son propre imaginaire.

Juliette Keating – À propos du titre ?

Sylvie Boksenbaum – Je suis partie du mot Zèbre. C’était une évidence qu’il soit dans le titre car j’aime sa sonorité. Avec cette lettre Z si peu usitée, est venue, bien à propos, l’expression « une histoire vraie de A à Z ». Les lettres A et Z pour débuter et terminer le conte se sont imposées à moi. Ainsi j’annonce l’humour du texte avec un sens autre.

Propos recueillis par Juliette Keating

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