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Traduit de l’allemand (Autriche) par Jacques Duvernet
Collection : Les Germanophonies
ISBN : 979-10-92364-63-7
ISSN : 2804-0899
Genre : roman
Format : 14 x 18 cm
Nombre de pages : 128
Prix public : 15 euros
Disponible depuis le 30 novembre 2023
De façon plus ou moins voulue ou fortuite, cinq marginaux se retrouvent dans un paysage totalement coupé du monde, par moments très légèrement menaçant, et dont il faudrait certainement se méfier comme on doit se défier de l'eau qui dort. Leur projet est simple : mener une vie simple, authentique et proche de la nature. Dans cet endroit reculé, il peut être pourtant dangereux d'accueillir quelqu'un d'extérieur dont on ne sait ce qu'il apporte avec lui.
« Soudain le groupe s’arrête, le premier se retourne, l’air perplexe, et lui fait comprendre par ses gestes de bras qu’il ne sait pas où est le chemin, ils forment un vague cercle, rien à faire, elle est obligée d’entrer dans ce cercle et de leur dire par où continuer. De leur avouer que cela fait plus d’une heure qu’elle ne reçoit aucun signal, que la batterie sera vide dans quelques minutes et qu’à l’instant précis, elle n’est pas certaine à cent pour cent qu’ils marchent dans la bonne direction. Que le nouvel itinéraire n’est pas encore totalement balisé. Mais il ne faut pas s’inquiéter : si la brume ne se lève pas, si la vue sur les montagnes ne se dégage pas, ils vont camper ici, ce sera un peu d’aventure en prime, ils auront alors largement de quoi alimenter leurs pages Facebook et leurs blogs de voyage. »
Carolina Schutti a fait des études de germanistique, de langues et littératures anglaise et américaine ainsi que de guitare classique. Elle a suivi une formation de chanteuse. Après une thèse sur Elias Canetti, elle a publié des poèmes, de courts textes de prose et de romans, des pièces radiophoniques et est l'autrice de plusieurs projets théâtraux interdisciplinaires. Ces nombreux livres sont traduits jusqu'à présent en dix-huit langues et ont été plusieurs fois récompensés. En 2015, Un jour j'ai dû marcher dans l'herbe tendre reçoit le Prix de littérature de l'Union européenne pour l'Autriche. Le texte est au catalogue du Ver à soie depuis 2018. Elle publie Patagonie pour la première fois en 2020 aux éditions Laurin (Innsbruck University press).
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ISBN : 979-10-92364-60-6
Genre : roman
Format : 140 x 180
Nombre de pages : 174
Prix public : 15 euros
Berlin, un certain dimanche matin. Une petite fille qui joue innocemment à la marelle lève soudain le nez et découvre un type en train de cimenter des briques qui coupent sa rue. Le même jour qui marque le début de la construction du Mur de Berlin, Hans, le petit dernier de Manfred et de Christa Müller, décide de naître. La saga romanesque de La Famille Müller vient de commencer pour nous entraîner dans l'Europe du XXème siècle, de la guerre froide à nos jours. Terre Ciel Enfer en est le premier volume :
« L’instruction de la jeunesse n’avait échappé à aucun dirigeant politique. L’enjeu était de taille et le formatage un devoir. Entretenir les jeunes pousses et récolter plus tard les fruits de la fidélité au régime, les convaincre de chasser les parasites, de se tenir prêt à retrousser leurs manches pour laver les affronts. Et comme par enchantement, comme si un mage avait agité sa baguette magique et prononcé quelques injonctions ensorcelantes, les jeunes réunis dans la salle de section, visages rendus blafards par les néons, se lèvent d’un seul élan et s’emparent qui de truelles, qui de pelles, qui de sac de ciment,qui de rouleau de fer barbelé. Rottluf et Weisenberg se congratulent, prêts à en découdre eux aussi avec le frère ennemi ouest-allemand.
Bref chacun s’équipe pour participer à l’érection d’un mur comme les enfants sur la plage érigent des murailles de sable pour arrêter la marée. C’est vain et désespéré mais ludique, et pendant ce temps, les parents sont rassurés, les enfants sont occupés et restent à portée de vue. Au moins, ils ne sont pas distraits par des tentations douteuses, au moins ils servent une cause légitime, au moins l’opération Muraille de Chine est lancée. Le secret avait été bien gardé. L’armée, secondée par les sections de la jeunesse – des jeunes appelés tout juste sortis de l’adolescence pour certains, tout juste adultes pour d’autres –, se mettait à l’oeuvre avant les premières lueurs de l’aube. À la surprise générale, Berlin Ouest se faisait emprisonner. Emmurer. À ciel ouvert. Désormais, seuls les étourneaux et les hirondelles n’auraient pas besoin de visa ».
Né à Nantes, Laurent Maindon est metteur en scène et cofondateur du Théâtre du Rictus qu’il dirige depuis 1996. Il se consacre à l’exploration des écritures contemporaines à travers ses mises en scène. Germaniste de formation, Il rédige son mémoire de maitrise sur les graffitis du mur de Berlin qu’il soutient en octobre 1989, trois semaines avant sa chute. Poète, il a publié une dizaine de recueils chez différents éditeurs indépendants. Il explore l’écriture du roman depuis peu. Les rapports qu’entretient l’intime avec le cours de l’Histoire est au cœur de ses questionnements, tout comme l'observation des soubresauts du réel entre plausible et improbable. Terre Ciel Enfer est le premier volume d’une saga romanesque, La Famille Müller, dont l’action principale débute à Berlin au premier jour de la construction du Mur, et dont les différents volumes paraîtront progressivement dans la collection Les Germanophonies du Ver à soie.
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Les voyageurs de nuit de Roland Siegloff
Traduit de l'allemand par Jacques Duvernet
Collection : Les Germanophonies
Genre : roman
Format : 14 x 18 cm
ISBN : 979-10-92364-41-5
Disponible depuis le 20 mars 2020
e-ISBN : 979-10-92364-32-3
Disponible depuis le 20 mars 2020
Prix de la version papier : 15 euros
Prix de la version numérique : 10 euros
Deux trains et trois voyageurs de nuit : un réfugié Afghan craint d’être découvert dans un train couchette roulant de Budapest à Berlin. Une éducatrice de musée qui se trouve dans le même wagon tente de l’aider. Un fonctionnaire du ministère fédéral de l'Intérieur, déchiré entre la politique européenne sur le droit d’asile et sa vie privée, revient de négociations à Paris dans son wagon-lit. Peurs, souvenirs et prises de position s’entrecroisent comme ces trains qui roulent la nuit à travers l’Europe :
« Nous sommes des fils et des filles, des pères et des mères. Père de la pensée, mère de la langue – pensées du père, langue sage de la mère : il faut que nos enfants vivent mieux que nous. On trouve – presque – partout quelque chose qui vaut mieux que la mort. À Brême, il y a des kebabs aux pommes de terre.
Nous voulons manger et boire. Nous avons faim de vie et soif de savoir. Nous ne sommes pas des mendiants. Nous sommes prêts à accepter n’importe quel travail.
Survivre. Vivre, habiter quelque part, manger, boire, rêver. Une petite maison dans la verdure avec deux chambres d’enfant, l’une peinte en rose, l’autre en bleu clair. … Nous voyageons, mais nous ne sommes pas des vacanciers.
Un jour nous nous sommes levés. Nous nous sommes mis en route. Nous sommes en marche depuis longtemps déjà. Qui sait ce qui nous attend. Nous sommes à l’étranger maintenant, nous sommes en fuite. »
Roland Siegloff est né en 1963 à Emden au Nord-ouest de l'Allemagne. Journaliste et écrivain, il est également francophone et vit entre Berlin et Bruxelles. Il travaille depuis plusieurs années sur la question des frontières, de l'exil, du droit d'asile et des réfugiés en Europe. Il a également pris position contre une Europe forteresse qui ne verrait pas les bénéfices que peut lui procurer son ouverture à termes. Ses œuvres arpentent le plus souvent l'Europe pour en montrer la richesse et la diversité. Son texte, Voyage aux confins des dernières frontières, questionnait le repli sur soi européen en tant de crise et s'opposait à l'idée d'Europe forteresse qui ne verrait pas les bénéfices économiques et politiques que peut lui procurer son ouverture sur le monde à termes. Le Ver à soie publie son premier roman, Nächster Halt: Südkreuz (2016), que nous avons choisi d'intituler Les Voyageurs de nuit en français, et dans lequel il donne une forme littéraire à ces questionnements.
La version numérique de ce livre est actuellement en cours de réalisation au format e-pub
Un jour j'ai dû marcher dans l'herbe tendre de Carolina Schutti
Traduit de l'allemand (Autriche) par Jacques Duvernet
Genre : roman
Format : 14 x 18 cm
ISBN : 979-10-92364-28-6
Disponible depuis le 9 février 2018
Prix du livre : 15 euros
Ce livre a reçu en 2015 le prix de littérature de l'Union européenne pour l'Autriche et a été publié avec le soutien du Centre National du Livre et le concours de la Région Île de France
Un village dans l'ombre et une tante qui ne parle pas du passé: c'est dans ce monde que, du jour au lendemain, Maïa se retrouve plongée. Avec la mort prématurée de sa mère biélorussienne, c'est aussi sa langue qui se perd. Maïa ne comprend pas la tante qui désormais s'occupe d'elle. Dans la maison isolée, il n'y a pas beaucoup de distractions pour cette petite fille introvertie. Marek, un ancien travailleur forcé polonais, est le seul chez qui elle trouve chaleur et affection. La musique de la langue qu'il parle réveille en elle les souvenirs de ses propres racines oubliées, de la langue perdue de sa petite enfance :
« Je ne suis pas revenue, je n’ai pas pu, on m’a donné une matriochka qui ressemble beaucoup à la vieille, à celle que ma tante peut-être avait cachée ou jetée. Je l’ai ouverte et j’ai posé toutes les poupées les unes à côté des autres. Des scènes de conte sont peintes sur leurs ventres, mais maintenant, lorsque ces histoires me reviennent en mémoire, cela me rend triste. En même temps que ma mère, j’ai perdu ma langue, les phrases pour souhaiter bonne nuit et les phrases pour consoler, ces paroles qui berçaient comme une douce vague, cette langue comme une île qui n’existait que pour nous deux et sur laquelle nous voguions à travers la ville, de la boulangerie au terrain de jeux. Un seau, une pelle, un petit pain, je ne me souviens plus avec quels mots allemands je suis arrivée chez ma tante. Et à présent : des phrases pour consoler qui viennent du dictionnaire, des phrases pour consoler enregistrées sur magnétophone, mais le bercement n’est plus là, les phrases restent oubliées. »
Carolina Schutti est née en 1976 à Innsbruck, où elle habite actuellement. Suite à plusieurs années dans l'enseignement et un doctorat sur Elias Canetti, elle a enseigné à l'Université de Florence, puis a obtenu un poste d'assistante de recherche à la maison de la littérature sur l'Inn.
Elle publie son premier roman, Wer getragen wird, braucht keine Schuhe, en 2010 et son premier recueil de nouvelles Eulen fliegen lautlos en 2015. Elle écrit également des pièces radiophoniques : Kalte Asche (ORF 2011), ...lautlos (ORF 2014) et Voices (2012, avec Ralph Schutti).
Carolina Schutti a reçu plusieurs prix pour son œuvre littéraire, dont le Prix de littérature de l'Union européenne 2015 pour son deuxième roman, Einmal muss ich über weiches Gras gelaufen sein, que publie Le Ver à soie.
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Gertrud, Monologue pour chœur de femmes, traduit de l’allemand par Marie-Luce Bonfanti et Crista Mittelsteiner
Postface d’Elfriede Jelinek.
Illustration : © Adagp, Paris, 2016. Schleef Einar, Selbstildnis, Ende der 60er Jahre.
ISBN : 979-10-92364-25-5
Format : 14 x 18 cm
Nombre de pages : 86
Disponible depuis le 30 novembre 2016
Prix public : 20 euros
Ce livre est accompagné de Gertrud - Bribes de mémoire, création musicale pour 6 comédiennes et instruments de Henry Fourès
Il a été publié avec le soutien du Centre national du livre, le concours de la région Île de France, et en association avec la compagnie inExtremis.
Je tâtonne sur une vaste surface, mes yeux collés, pieds nus, cendre entre doigts de pieds, ma robe courte, brune, élimée, me cogne les jambes. Mon châle à poussier autour de la tête, je suis amaigrie, les seins creux, ma robe semble être une blouse brune une vague blouse brune, nouée avec une corde, la desserrer tant elle coupe profondément dans la chair, sens ma peau, sillons et côtes, frotte les yeux penchée en avant, la crasse tient bon, paupières collent, les nuages doivent être sombres, s’ils dérivent, se baisser jusqu’au sol, ma main le touche, je sens de la cendre, mais ça doit remonter à une éternité, quelque chose travaille en moi, pousse en avant, mais qui est-ce. Je frappe la poitrine et tâtonne à nouveau. Si j’avais un bâton. Des bâtiments à l’horizon. Ou une lumière. Ça brille doucement, vaguement, oui je sens déjà les rayons sur le visage. Mes cheveux sont blancs, je trébuche, la cendre est tendre. Doucement. Les nuages semblent dériver vraiment rapidement. De la fumée. Derrière du jaune, c’est le soleil. Mais pourquoi ça ne se précise pas. Pluie commence. Silence, juste un fin goutte-à-goutte, pourquoi la cendre ne se mouille pas. Ça viendrait des bâtiments, dans les étages se reflète le soleil, voilà pourquoi il ne m’atteint que de temps en temps.
Gertrud - Bribes de mémoire est une création musicale contemporaine signée Henry Fourès : une œuvre originale inspirée par ce texte et puisant dans le travail choral bilingue de six comédiennes sous la direction d'Elisabeth Gutjahr.
Présente-t-on encore Henry Fourès ? Né à Coursan (Aude/France), et après avoir étudié l'histoire de l’art à l’université Paul Valéry de Montpellier, au CNSM de Paris (harmonie, contrepoint, fugue, analyse et composition), puis à l’université de Berlin (musicologie médiévale) et à l’académie de Vienne (piano), il devient professeur responsable des musiques improvisées au conservatoire de Pantin de 1977 à 1980. De 1980 à 1982, il enseigne la musicologie médiévale à l’université de Toulouse le Mirail.
En 1982 il est nommé Inspecteur Principal de la musique à la Direction de la Musique et de la Danse du ministère Français de la Culture, puis en 1984, Inspecteur général chargé de l’enseignement et de la formation.
En 1988, il initie au sein de ce ministère le nouveau département de la Création et des Musiques d’aujourd’hui, dont il assure la direction technique jusqu’en 1990. Directeur Artistique du studio de création La Muse en Circuit, il travaille ensuite régulièrement en Allemagne (Potsdam, Berlin, Cologne, Francfort …), où il est invité auprès de divers ensembles symphoniques et radios. L’éclectisme de sa production de compositeur et d’interprète l’a amené à collaborer avec des créateurs d’esthétiques et d’horizons très divers (musiciens, acteurs, chorégraphes, plasticiens, réalisateurs). Ses activités touchent de nombreux domaines. Il a réalisé des films pour la télévision, composé des musiques pour l’image la danse et la scène. Il est aussi l’auteur de nombreuses créations radiophoniques (France Culture) et le réalisateur de Hörspiel pour la HR et WDR. Il a écrit des œuvres symphoniques, de musique de chambre, des pièces électroniques, mixtes, des œuvres vocales mais aussi conçu et réalisé des installations interactives et d’importantes manifestations événementielles.
De 2000 à 2009, Henry Fourès est Directeur du Conservatoire National Supérieur de musique et de danse de Lyon. Aujourd’hui, à ses activités de compositeur et d’interprète s’agrège une mission d’enseignement au CNSMD de Paris. Ehrenmitglied de la Hochschule für musik und Theater de Hamburg, Henry Fourès est officier des Arts et Lettres, Chevalier du mérite et titulaire de la croix du Mérite Allemand (Verdienst kreuz).
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Ce livre est publié avec le soutien du Centre national du livre, le concours de la région Île de France, et en association avec la compagnie inExtremis.
Une première présentation de ce texte inédit a eu lieu lors d’un après-midi d’hommage à Einar Schleef sous la direction de Crista Mittelsteiner, intitulée J’étais là, mais le théâtre était parti, lors du Festival d’Avignon 2008 dans le cadre des Rencontres d’Été à la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon. La traduction de ce texte a également bénéficié de l’aide de Transfert Théâtral, du CnT et du CNES-Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon.
Ce livre-CD a reçu le Label « Rue du Conservatoire », association des élèves et anciens élèves du CNSAD.
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La création musicale pour 6 comédiennes et instruments de Henry Fourès qui accompagne ce livre a fait l’objet d’une commande de Le Ver à soie, Virginie Symaniec éditrice. Elle a bénéficié des soutiens de l’Adami, de la Cité de la Voix, de Musique Française d’Aujourd’hui (MFA) et du Goethe Institut. Elle a été réalisée en coproduction avec la Compagnie inExtremis et le Gmem - Centre National de Création Musicale de Marseille.
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Tous nos remerciements vont également aux généreux donateurs qui ont soutenu la réalisation de ce projet exceptionnel.
Publié avec le soutien du Centre national du livre, le concours de la Région Île de France et en association avec la compagnie inExtremis.
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Désordres d'Einar Schleef, recueil de huit récits d’un exilé de la RDA, enfermé à Berlin, face à son mur intérieur et à son passé emmuré, traduits de l'allemand par Marie-Luce Bonfanti et Crista Mittelsteiner.
Préface de Elfriede Jelinek
© Illustration de couverture: ADAGP, Paris 2014, Einar Schleef, Selbst in Bademantel (Autoportrait en peignoir), années 1980.
Genre : recueil de nouvelles
ISBN : 979-10-92364-13-2
Format : 14 x 18 cm
Disponible depuis le 5 décembre 2014
Prix du livre : 15 euros
Oublier. Quand j'écris là j'y arrive, maux de tête à cause du martèlement, là je ne dois pas penser, là martèlent les tempes. Je cours jusqu'au métro, roule Porte de Kottbuss et fonce jusqu'au Mur. En vis-à-vis lumière et eau. Là je reprends mon calme, vois le poste frontière, lui moi, je fais demi-tour vers la maison. Souvent je me représente cela, qu'il tire, je ressens le tir en moi, la tempe s'ouvre, mon sang se répand sur la poitrine, je bascule en moi-même. Sable dans la bouche je tombe de côté. Un petit pas de trop suffit pour cela, bienvenue.
Il n'y a eu que deux génies en Allemagne après la guerre, à l'Ouest Fassbinder, à l'Est Schleef. Tous deux étaient insatiables, mais seulement pour pouvoir donner d'autant plus. À la fin, ils se sont donnés eux-mêmes.
Elfriede Jelinek, 2001
Einar Schleef appartient aux quelques êtres humains qu'il m'arrive d'envier.
Ses travaux dans les divers domaines de l'art font toujours sauter le cadre et, dans tous les cas, mettent l'art – où ce que l'on entend sous ce terme – en question. Ils appartiennent à la matière dont sont faits les rêves du siècle, ses cauchemars aussi. (...) La première qualité de sa littérature est la renaissance du conteur dans l'esprit de la langue – qui est d'abord le parler, un affront contre la « littérature », contre l'écriture. Il sait avec Kafka que l'art est une affaire du peuple. Parmi les morts, c'est Kleist qui lui est le plus proche – un poète sans peuple.
Heiner Müller
Einar Schleef, disparu à 57 ans en 2001, était un artiste culte en Allemagne : ses talents d'auteur, de peintre, de metteur en scène, de scénographe, voire de photographe, ont marqué tant la scène théâtrale que la littérature allemandes. Homme de théâtre avant tout, mais également auteur, peintre et photographe, ce créateur – figure majeure et déjà mythique de la scène artistique allemande au cours de ces trente dernières années – demeure encore peu connu au-delà des frontières germanophones.
Einar Schleef est né en 1944 à Sangerhausen, en Thuringe, dans l'ancienne R.D.A.. Après des études à l'Académie des Beaux-Arts à Berlin, il travaille d'abord comme scénographe puis comme metteur en scène au Berliner Ensemble, alors sous la direction de Ruth Berghaus. En 1976, lors de la mise en scène de Château Wetterstein de Frank Wedekind pour le Berliner Ensemble, en coproduction avec et au Burgtheater de Vienne, il refuse de rentrer à Berlin.
Schleef vit d'abord chez des amis à Vienne, Francfort, Stuttgart. Finalement, il s'installe à Berlin-Ouest. A partir de 1985, il vit pendant plusieurs années à Francfort où ses mises en scène de Mères d'après Euripide et Eschyle, d'Avant le lever du soleil de Gerhart Hauptmann et du Urgötz de Goethe, entre autres, font scandale – et le rendent célèbre. En 1993, il retourne au Berliner Ensemble pour y monter Wessies à Weimar de Rolf Hochhuth, puis Maître Puntila de Bertolt Brecht. Une mise en scène qui fera date.
Après avoir créé Sportstück d'Elfriede Jelinek au Burgtheater à Vienne, il meurt le 21 juillet 2001 à Berlin, avant d'avoir achevé sa mise en scène de Macht nichts. Eine kleine Trilogie des Todes (Ça fait rien. Une petite trilogie de la mort), d'Elfriede Jelinek.
« Là-bas, le Mur autour de tous. Ici, le mur dans la tête de chacun. »
Lorsque, en 1976, Einar Schleef décide de ne pas rentrer en RDA au cours d'une mise en scène de Le Château de Wetterstein de Frank Wedekind qu'il répète avec son complice B. K. Tragelehn pour le Berliner Ensemble – et qui a lieu en coproduction avec et au Burgtheater de Vienne – il pense, contrat en poche, pouvoir continuer à travailler dorénavant pour et avec cette grande institution autrichienne. Mais le Berliner Ensemble exerce des pressions et, jusqu'à son engagement comme metteur en scène au Théâtre de Francfort neuf ans plus tard, Einar Schleef traverse un long passage à vide. Perdu, en errance perpétuelle, il tombe en dépression. En 1977, il note dans son journal : « Là-bas, le Mur autour de tous. Ici, le mur dans la tête de chacun. »
Cependant et malgré un quotidien éprouvant et l'échec de multiples projets artistiques, Einar Schleef se jette dans un travail intense et solitaire : il se consacre à la photographie, à la peinture et à l'écriture – notamment à la composition du roman épique monumental qu'il a dédié à sa mère, Gertrud, ainsi qu'aux récits présentés ici sous le titre Désordre, parus en Allemagne en 1982. Pour le récit Place Wittenberg, qui fait partie de ce recueil, Einar Schleef reçoit le 3e prix du très renommé Ingeborg-Bachmann-Wettbewerb en 1982.
Autres prix littéraires :
1989 Prix Alfred Döblin
1995 Prix dramatique de Mülheim
Elu « Auteur de l'année » par la revue Theater Heute en 1995
1998 Prix littéraire de Brême
2001 Prix Else Lasker-Schüler
La publication de Désordre par Le Ver à soie sera suivie par celle de Gertrud, monologue pour choeur de femmes, autre texte majeur de Schleef inédit en français.